Quelle valeur pour le Partenariat d’Innovation ? une méthode pour l’achat public européen

Afin de maximiser l’engagement des fournisseurs innovants dans des projets d’innovation avec des acteurs publics, la Commission Européenne a créé en 2014 le Partenariat d’Innovation. Ceui-ci permet, dans la même procédure, d’acheter à la fois le développement d’un nouveau produit/services et son acquisition en cas de succès.

Toutefois la mise en place des Partenariats d’Innovation demande de relever de nombreux défis pour l’acheteur public. Cela commence par la détermination de la valeur du partenariat. Celle-ci doit être fixée et négociée alors que le produit/service visé n’existe pas encore. Il s’agit également de respecter l’ensemble des contraintes liées à l’achat public – dont celles relatives aux aides d’Etat.

A la demande de la DG Grow, j’ai développé une approche qui permet de répondre à ces défis. Elle est publiée par la Commission Européenne sur la page dédiée à l’Achat d’Innovation.

Une méthode en 2 phases

Cette méthode consiste à identifier les différents éléments qui font la valeur de l’innovation partenariale, pour le fournisseur comme pour l’acheteur public.

Puis, il s’agit de proposer des modalités d’évaluation spécifiques pour chacun des éléments identifiés. Dans les phases de Recherche et Développement, puis dans les phases d’Achats du service/produit fini. Les évaluation s’appuient sur le principe de la quasi-décomposabilité et sur la combinaison des méthodes de pricing mobilisées dans l’achat public : contrat de performance, indices de prix, coût total de possession, analyse de la valeur….

Sur cette base, il est possible de proposer aux acheteurs publics toutes les clefs pour créer un cocktail de solutions qui répondent aux différentes possibilités offertes par les partenariats innovation.

Cette méthode permet ainsi de maximiser la valeur pour le bien public. Elle permet aussi de minimiser les risques d’une telle procédure mais aussi de favoriser la croissance des entreprises européennes innovantes.

Elle peut être également mobilisée pour l’achat privé – en s’inspirant de la démarche qui consiste à d’abord identifier les sources de valeur, puis en allant piocher dans les différentes solutions possibles celles qui s’appliquent le mieux à la situation ciblée. Elle est déjà enseignée dans le cadre de la formation continue MAI – management des achats internationaux de Kedge Business School.


La DG GROW de la Commission Européenne a pour mission de continuer la réalisation du marché intérieur pour les biens et services ; favoriser l’entreprenariat et la croissance ; soutenir l’accès des compagnies européennes aux marchés globaux ; générer des politiques de protection et d’application des droits de propriété industrielle ; coordonner la position de l’Union européenne et les négociations au sein du système international de propriété intellectuelle.

Collaborer pour innover

Mon livre « Collaborer pour innover – le management stratégique des ressources externes » vient de paraître aux Edition De Boeck Supérieur.

C’est un manuel pratique de gestion de l’innovation collaborative. Il met en évidence les compétences individuelles, organisationnelles et inter-organisationnelles, ainsi que les principaux outils, qui permettent de mieux collaborer pour innover.

Avec mes co-auteurs, Hugues Poissonnier et Gustavo Pierangelini, nous y proposons des pistes et des solutions pour développer la capacité d’innovation des organisations – quelles que soient leurs tailles ou leurs secteurs – en apprenant à mieux collaborer avec ses partenaires.

En nous appuyant sur les dernières analyses et bonnes pratiques observées sur le terrain et nos travaux de recherche sur l’Open Innovation et sur les Achats, nous mettons en évidences les compétences individuelles, organisationnelles et inter-organisationnelles, ainsi que les principaux outils, qui permettent de mieux collaborer pour innover.

Nous abordons ainsi successivement, les modalités d’identification (le sourcing) de partenaires d’innovation, le management des relations de partenariat, les compétences et modalités d’organisation interne à chaque entreprise, les nouvelles compétences individuelles à développer et la conduite du changement à mener pour aller vers une innovation plus collaborative.

Le livre est disponible en librairie dans la vraie vie et en ligne – notamment ici  http://www.arbrealettres.com/9782807314849-collaborer-pour-innover-le-management-strategique-des-ressources-externes-romaric-servajean-hilst-hugues-poissonnier-gustavo-pierangelini/ ou  https://livre.fnac.com/a11559815/Romaric-Servajean-Hilst-Collaborer-pour-innover ou sur https://www.cultura.com/collaborer-pour-innover-9782807314849.html ou sur https://www.culture.leclerc/livre-u/savoirs-u/economie–entreprise-u/entreprise-u/management-u/collaborer-pour-innover–le-management-strategique-des-ressources-externes-9782807314849-pr  ou https://www.decitre.fr/livres/collaborer-pour-innover-9782807314849.html ou  https://lnkd.in/g-kQmYF 

 

Dehors – dedans, la place du manager Open Innovation

Pour un manager Open Innovation, il n’est pas une semaine qui offre de multiples opportunités d’un événement externe de rencontre avec des start-ups et autres organisations innovantes, d’ateliers d’échanges de bonnes pratiques, de concours de pitchs, de salons, de visites d’incubateurs… Si le risque de développer un alcoolisme mondain est avéré, se pose pour leurs managers la question de l’impact de leur participation à de tels événements.

MGM/courtesy Everett collection

Et quand bien même l’Open Innovation est un concept à la mode, et stratégiquement nécessaire pour nombre d’entreprises, la légitimité de ceux qui la pratiquent reste questionnée par leurs collègues, qui peuvent ne voir chez eux que ce côté « Open Innovation cocktail ».

Quelques études récentes apportent quelques réponses aux managers des managers Open Innovation. La première a été publiée dans la Harvard Business Review en juillet 2017. Elle s’est intéressée aux employés d’IBM parmi les plus productifs en terme de propriété intellectuelle. Cette étude a montré combien, pour qu’une personne innove, il fallait d’abord s’intéresser aux autres, et pas forcément uniquement à ceux de l’extérieur de son organisation. Elle montre d’abord que la principale source d’inspiration de ces innovateurs repose sur les idées de leurs collègues en interne plutôt que de leurs contacts en externe. Ensuite, elle montre que pour que ceux qui s’appuient le plus sur l’externe soient des innovateurs performants, il leur faut passer la moitié de leur temps à échanger avec l’interne. Aussi, un grand réseau externe ne suffit pas, il faut savoir le compléter par un réseau interne.

Ce travail vient renforcer les résultats de mes travaux et ceux de Felipe Monteiro sur les Managers Open Innovation. Nous montrons tout deux, avec des approches théoriques et des terrains différents, comment les Open Innovation managers (scouts dans son cas, Achats-Innovation dans le mien) favorisent l’absorption de l’Open Innovation captée par des échanges en tête à tête avec ceux qui en interne porteront les projets – et non pas à travers des outils informatiques qui sont des outils de productivité pour les tâches administratives.

En ligne avec les travaux de sociologie de l’innovation, le caractère social du processus d’innovation est aussi démontré dans l’Open Innovation : c’est avant tout une histoire d’hommes, à la fois en interne et à l’externe. Et si l’Open Innovation manager a pour rôle de capter l’innovation à l’externe, il a aussi pour rôle de faire en sorte que l’interne s’en empare.

La difficulté réside alors dans l’allocation de son temps. Et là l’étude HBR montre que de nombreuses personnes peuvent mal répartir leur temps en essayant d’étendre leurs réseaux externes sans consacrer le temps supplémentaire nécessaire pour vraiment apprendre comment ils peuvent tirer profit des idées qu’ils trouvent. Il faut donc répartir leur temps entre le réseautage en externe, le réseautage en interne, et prendre le temps également de réfléchir sur le moyen de mieux viser et diffuser l’innovation et les innovateurs, internes comme externes.

Ce besoin de temps se trouve traduit sous un autre angle, celui de l’autonomie, dans une autre étude très récente réalisée auprès de PME danoises. Celle-ci a montré qu’il n’était pas suffisant d’encourager les Open Innovation managers à s’engager avec des organisations externes mais qu’il fallait aussi leur garantir une autonomie certaine dans la définition et la réalisation de leurs tâches. L’impact de cette autonomie apparaît très clairement positif à la fois sur la capacité de leur entreprise à générer des produits innovants mais également à les vendre. Par ailleurs, cette étude montre également qu’il ne doit pas être question de trouver un juste milieu entre contrôle et autonomie pour obtenir des résultats, mais qu’il faut clairement choisir l’autonomie.

Alors, pour les managers des managers Open Innovation cela se traduit  par un accompagnement de ceux-ci afin de les aider à travailler sur leurs propres idées, par un octroi de temps suffisant pour faire preuve de créativité et par la possibilité d’amorcer des activités intrapreneuriales avec des acteurs internes de l’innovation.

Leur laisser du temps libre cela doit se traduire par leur laisser le temps de découvrir et d’intégrer la stratégie de leur entreprise, de développer leur réseau en interne ; à la fois pour capter les besoins, explicites et latents, puis pour établir des connections entre ceux-ci et les savoirs externes, et en parallèle pour développer des opportunités nouvelles issues des rencontres entre l’externe, l’interne et l’imagination du manager Open Innovation.

Le papillonnage des Open Innovation managers est donc nécessaire, même s’il doit rester orienté vers la création de valeur pour son organisation. Pour le manager encadrant, cela nécessite donc à la fois d’accepter d’octroyer une grande liberté à son Open Innovation manager mais aussi de véritablement l’accompagner et de l’aider à se repérer dans la jungle des opportunités de réseauter.

Chasser la start-up – un travail d’équipe

Les start-ups sont dans les écosystèmes des grands groupes une source importante de renouvellement, à la fois par les nouvelles technologies et manières de faire qu’elles expérimentent et par l’inspiration qu’elles génèrent pour les entreprises plus anciennes et établies. Les événements, annuaires et réseaux sociaux qui permettent de les croiser se multiplient, et dans les organisations les fonctions qui s’en occupent également, à commencer par les directions générales.

Afin que les premières rencontrent ne se bornent pas à un coup de communication ou au plaisir d’échanger des idées nouvelles et rafraîchissantes, il importe pour celui qui s’apprête à rencontrer une start-up de conserver à l’esprit que cette rencontre peut répondre à un besoin existant en interne mais également peut permettre d’imaginer de nouvelles solutions pour des besoins latents comme des opportunités de différentiation non encore identifiées. Ensuite, comme en innovation où un projet sur cent aboutit à un résultat concrets, il faut rencontrer beaucoup de start-ups pour espérer voir naître un projet de collaboration – de 2 à 10% de ces rencontres aboutissent.

Les annuaires de start-ups comme les appels à projets ciblés (via du crowdsourcing ou bien des concours lancés dans des écosystèmes spécialisés) sont particulièrement utiles lorsque le besoin est relativement identifié : un cahier des charges fonctionnels existe. Un passage en revue des différentes start-ups pouvant répondre est alors adéquate. La difficulté repose alors d’une part sur l’identification des différentes sources à contacter, d’autre part sur le fait qu’il faille en contacter beaucoup plus que pour un appel d’offre classique où les fournisseurs ont des capacités mieux identifiables et vérifiables. Des intermédiaires d’innovation – plateformes internet comme individus introduits dans les différents écosystèmes innovants – peuvent à ce moment révélés efficients pour cette identification et ce premier tri. Leur rôle consistera alors à accompagner le demandeur dans la reformulation de ses besoins et la rédaction de son cahier des charges (ce qui est le signe qu’il connaît son métier).

Enfin, du fait de la capacité des start-ups à pitcher, donc du fait du potentiel de séduction de leur technologie/business model et donc des difficultés à évaluer leur capacité véritable, la recherche de start-ups est plus encore enrichissante lorsqu’elle implique des fonctions variées. En allant chasser ensemble la start-up, elles apprennent à connaître leurs besoins et état d’esprit respectifs tout en pouvant évaluer plus efficacement les start-ups croisées ; leur organisation y gagne en efficience immédiate pour leur innovation collaborative mais également en potentiel d’innovation via l’interne grâce à cet échange de vue inter-fonctions.

Partager le gâteau de l’Open Innovation


Dans un projet d’Open Innovation, au moment de définir les règles de partage du gâteau de l’innovation collaborative, le point d’achoppement le plus courant est celui de la propriété intellectuelle. Un grand nombre de potentielles collaborations ne démarre pas pour ne pas avoir su répondre à cette question de la propriété intellectuelle. Souvent d’ailleurs pour avoir été traitée sous un angle purement juridique.

La plupart des travaux de recherche en gestion comme les rapports de consultants s’intéressent à cette répartition mais ils s’arrêtent au partage de la propriété industrielle, des brevets et droits afférents. Aussi, ils sont rarement opérant au jour de négocier un contrat de co-innovation.

En abordant la question du partage du gâteau sous un angle « Achats », il est possible de trouver des solutions. L’angle « Achats » peut être résumé à une orientation vers la partie « business » de l’Open Innovation. Il permet d’opérer un glissement depuis une réflexion centrée sur l’innovation en soit vers une réflexion orienté vers la création puis le partage de la valeur générée en commun, plutôt qu’uniquement de la propriété intellectuelle. Les Achats permettent d’aller au-delà des bornes du projet d’innovation.

Il ne s’agit alors pas uniquement de partager les résultats obtenus ensemble mais aussi de rémunérer les efforts du fournisseur, de s’assurer sa coopération, voire le responsabiliser sur la mise en œuvre de l’innovation, tout en limitant les dépenses du client. Dans un premier temps, l’acheteur va regarder comment il s’assure de la bonne coopération du fournisseur : est-il en capacité de coopérer ? veut-il coopérer ? et si un autre client se présente, conserva-t-il ses efforts sur le projet collaboratif ?

Ces questions se posent pour l’ensemble des coopérations, mais elles sont plus encore importantes dans le cadre d’une relation grand groupe – start-up, alors que cette dernière peut à la fois avoir des ressources limitées, tout en pouvant devenir très attractives pour d’autres entreprises (parfois des concurrents). En fonction des réponses, les incitations à coopérer peuvent se faire sous diverses formes depuis la rémunération directe des efforts du fournisseur jusqu’à la promesse de gains futurs, généralement sous conditions.

Elles peuvent aussi consister à laisser au fournisseur la possibilité de vendre l’innovation à d’autres clients, après une période d’exclusivité s’ils sont concurrents. C’est alors à ce moment que se pose la question de la propriété intellectuelle – seulement à ce moment – et alors il est plus simple d’y répondre. Alors, il s’agit de considérer que la propriété intellectuelle ne s’arrête pas à un brevet, mais également à tout l’arsenal qui vient avec – les licences, les royalties… les territoires géographiques et sectoriels concernés, les frais de maintenance et de défense….

Les Achats peuvent être la clef pour des partenariats réussis avec les start-ups

Les Acheteurs se trouvent de plus en plus confrontés à la nécessité d’aller au-delà des classiques, à aller chercher des nouvelles opportunités au-delà de leur panel, de leurs marchés familiers. Cela veut parfois dire qu’il leur faut se tourner vers des start-ups! Celles-ci ne sont pas seulement présentes dans la presse et auprès des directions générales. Elles prennent une part croissante dans l’évolution des grandes (et des moins grandes) entreprises.

Dans des collaborations qui restent compliquées entre start-ups et grands groupes, les acheteurs peuvent apporter une contribution positive, pour les uns comme pour les
autres. Cette contribution peut/devrait pouvoir se faire à toutes les étapes de la collaboration.

Dans ce rapport de l’Observatoire de la Création de Valeur de l’EIPM, Hervé Legenvre et moi-même nous appuyons sur nos travaux et sur un atelier de travail menés avec une cinquantaine de managers et directeurs Achats pour proposer des voies pour que les Achats facilitent le succès des coopérations start-ups – grands groupes.

Il peut être téléchargé ici : Partnering with Start-ups.

 

L’alignement des astres pour réussir l’Open Innovation – 5 dimensions à considérer

Pour lancer un projet d’innovation collaborative, 5 dimensions doivent être considérées. Trois premières dimensions ont été identifiées dans des travaux portant sur l’implication des fournisseurs dans le projet d’innovation. Il s’agit des alignements technologiques, stratégiques et relationnels entre le client et le fournisseur. Nous les décrivons dans ce post-ci. Un autre alignement qu’il faut ajouter est celui, très classique, qui se fait autour du respect de la qualité, des coûts et des délais attendus.

Ces dimensions sont transposables à tout projet d’Open Innovation à des degrés divers, même s’il ne faut oublier d’en ajouter un cinquième qui est un alignement des astres spécifique à la dynamique de l’innovation et des ressources des organisations.

(image STELLARIUM/FRANCETV INFO 2016)

(image STELLARIUM/FRANCETV INFO 2016)

En fonction de la phase de maturité de l’innovation, les différents alignements jouent diversement :

  • En amont de l’innovation – et plus particulièrement encore en phase exploratoire – quand les niveaux de connaissances sont d’autant plus bas que l’objectif n’est pas figé, ce sera l’alignement relationnel qui primera. Les expériences précédentes et les rapports de force (l’importance des interdépendances) permettent de savoir si l’on peut s’engager ou non sur des chemins non balisés. Puis c’est l’alignement des stratégies qui rentre en ligne de compte ; l’alignement technologique est d’une importance relative moindre.
  • Dans les phases de proches de la mise en production / du lancement de l’innovation, ce sont les alignements technologiques qui priment. Dans ces phases, l’alignement technologique correspond à la capacité de répondre aux besoins de l’autre, à en être complémentaire. L’important est alors de respecter l’alignement sur les critères classiques « qualité-coût-délai ». Les autres alignements sont au service de cette orientation « marché » : la vraie vie se rapproche.
  • Dans les phases intermédiaires, quand les objectifs sont plus précis qu’en amont, mais restent toutefois globaux et fonctionnels, l’alignement stratégique revêt autant d’importance que l’alignement technologique. Ce qui compte alors est la prise en considération de la compétence potentielle et globale des entreprises qui coopèrent, et de leur entente sur ses objectifs.

Cela implique que dans les phases amont, une entreprise techniquement faible peut trouver sa place si elle réussit par compenser par ses capacités de coopérations. La difficulté réside alors à être capable de gérer durant les phases intermédiaires, la construction de la capacité technique du partenaire le plus faible sur ce point – sans pour autant perdre l’alignement relationnel. En aval, ou sur des sous-projets d’innovation (la division d’une étape en un projet qui est défini/borné précisément – dans le cadre d’un contrat d’ingénierie par exemple), ce sera l’entreprise qui pourra répondre au mieux à un cahier des charges comportant des spécifications précises qui l’emportera.

Dans le cas de l’implication de start-ups/de PME dans les projets d’Open Innovation avec des grands groupes, la réussite du projet implique qu’il faille passer en phase de production. Il s’agit donc de passer du travail dans une chambre de bonne à une présence sur tous les continents, gérer de front développement de lignes de production, internationalisation, recrutement massif, approvisionnement massif… et gestion de la trésorerie!

Il s’agit là de l’exemple extrême du cinquième alignement ponctuel mais crucial dans l’Open Innovation (réussie) : l’alignement des astres pour la réussite du ramp-up / scale-up. Malheureusement celui-ci reçoit encore peu d’attention tant que l’obstacle n’est pas là, ni par les praticiens ni par les académiques. Et pourtant c’est peut-être plus important encore que les questions de propriété intellectuelle. Il s’agit de savoir comment transformer l’innovation en réussite « industrielle ».

Soutenance de thèse – résultats et contributions

ConclusionDe ces trois démarches et de leur confrontation, nous avons tiré plusieurs enseignements
dont nous vous livrons ici les principaux.
Notre première contribution est de proposer ce modèle conceptuel qui permet de décrire et d’analyser la coopération verticale d’innovation à la fois dans une perspective statique et dynamique.

Ce modèle est constitué de 4 éléments :

  1. Le premier élément est celui de la gouvernance de la dyade composé des contrats mis en place, des mécanismes de gestion inter et intra-entreprises, et des ressources humaines impliquées dans la coopération.
  2. Le second élément est celui de la performance de la relation qui se mesure à l’aune de l’efficacité et de l’efficience de la relation mais aussi de la proactivité de chaque entreprise. Nous formulons l’hypothèse que la gouvernance est liée à la performance de la relation.
  3. Le troisième élément est l’atmosphère de la relation. Cet atmosphère est constituée du niveau de confiance interentreprises, du niveau de familiarité entre elles et du niveau d’interdépendance entre le client et le fournisseur. Cela nous emmène à faire l’hypothèse que l’atmosphère de la relation est liée à sa gouvernance et qu’atmosphère et performance de la relation sont liées
  4. Le dernier élément est le projet d’innovation lui-même qui peut se décrire soit selon la maturité du projet, soit selon le type d’innovation, soit selon l’ampleur de l’innovation. Et, nous faisons l’hypothèse que chacune de ces natures de l’innovation est liée à la gouvernance.

A travers nos démarches quantitative et qualitative, nous avons validés ces liens entre les différents éléments du modèle et validé ainsi l’ensemble de nos hypothèses, à l’exclusion du lien entre la nature de l’innovation et la gouvernance et du lien entre l’ampleur de l’innovation et la gouvernance de la relation.

Une autre contribution est d’avoir identifié à travers notre étude au cœur d’une relation combien les différents éléments de la coopération pouvait varier au cours du temps, qu’il y avait des micro-cycles de vie de la relation. Cela nous conduit à deux enseignements.

Un premier enseignement théorique est d’étendre la prise en considération de la dynamique de la coopération d’innovation dès les tous premiers contacts entre le client et le fournisseur sur le projet d’innovation. Traditionnellement, la relation est considérée à partir du moment où la coopération est fixée, majoritairement par un accord contractuel. Or, dès ces premiers contacts, dans la phase d’appel d’offres, la coopération est active, les éléments de la relation sont là et les savoirs sont échangés entre les entreprises. Cette implication théorique a un impact pratique en signalant combien cette phase peut être aussi source de progrès de l’innovation – en innovation les fiançailles peuvent être aussi importantes que le mariage lui-même.

Un second enseignement tiré de l’analyse de cette trajectoire d’une coopération, qui se retrouve également dans notre approche quantitative, est la démonstration de la complémentarité entre mécanismes de contrôle et confiance. Nous avons en effet pu identifier combien dans une approche dynamique dès qu’il y a une baisse de la confiance, des dispositifs de contrôle sont mis en place qui permettent de recouvrer de la confiance. Ces résultats sont corroborés par notre approche statique et statistique où les atmosphères avec les plus hauts niveaux de confiance sont liées aux configurations de gouvernance présentant le plus de dispositifs de contrôle, et vice-versa.

Enfin, une autre contribution importante de nos travaux est la description du rôle des Achats-Innovation, une fonction en pleine émergence, dans la dynamique d’une coopération d’innovation. Nous avons ainsi pu identifier combien il jouait dans ce contexte un rôle double. Tout d’abord, dans la phase de sélection du fournisseur et d’élaboration d’un cahier des charges sur un objet de coopération innovant, dont les spécifications techniques comme fonctionnelles sont émergentes, il joue un rôle d’alignement en interne et en externe autour de l’objet de coopération. Ensuite, une fois le contrat passé, il sort, ou est sorti, de la relation. Son rôle se borne alors à venir résoudre les problèmes liés à la relation. Sa position de marginal-sécant lui permet alors à la fois de concilier les différentes logiques, innovation et supply chain, et de faciliter leur intégration au sein de l’entreprise cliente et de la relation. En amont il mobilise les ressources nécessaires, outils et experts, et en les adaptant à la situation. En aval, il intervient dans la relation avec le rôle du « bad cop », laissant aux ingénieurs le rôle du « good cop » afin que lui résolve les problèmes quand eux vont conserver des échanges de qualité sur l’innovation conjointe avec les ingénieurs du fournisseur.

Nous avons conclu notre présentation par la proposition de 3 pistes pour améliorer les coopérations verticales d’innovation, dans les entreprises :

  • Mettre en place une fonction Achats-Innovation afin de faciliter l’intégration des logiques Achats et Innovation,
  • Considérer les apports de la phase de sélection du fournisseur sur un projet afin d’améliorer la capacité d’innovation en coopération,
  • Adapter la gouvernance de la coopération d’innovation suivant  l’atmosphère de la relation client-fournisseur et suivant la maturité du projet d’innovation pour pouvoir optimiser la performance de la relation.

Les rapporteurs et les suffragants ont présenté leurs rapports, avis et questions. Des réponses ont été apportées. Le jury s’est retiré et a rendu son verdict.

Soutenance de thèse – enjeux et méthodes

Ma thèse s’intitule « Approche relationnelle de la coopération verticale d’innovation – facteurs de performance de la relation client-fournisseur en innovation ». Dans ce post et le suivant, je livre ce qui a été présenté au jury et au public ayant assisté à sa soutenance.

La thèse

Cette thèse vient répondre à des besoins très largement partagés dans le monde de l’entreprise. Rappelons tout d’abord que depuis une trentaine d’années le rythme de l’innovation a explosé alors que les ressources disponibles se font de plus en plus rares. Les entreprises innovent de moins en moins seules. Elles chassent de plus en plus en meute. Parmi ces meutes, la plus courante est la coopération entre un client et fournisseur. Pourtant, cette coopération pose de nombreux problèmes et tout particulièrement celui de l’intégration entre les logiques liées à l’innovation et les logiques liées à la relation client-fournisseur, à la fois au sein de chaque entreprise mais également entre elles. Une question reste posée pour la très grande majorité des entreprises, à savoir comment gérer la coopération client-fournisseur en innovation ? et, bien entendu, comment la rendre performante ?

Deux grands courants académiques s’intéressent aujourd’hui à ce problème de gestion. Un courant récent est celui de l’Open Innovation. L’autre, plus ancien, et dont le CRG est un grand contributeur, est celui de l’implication des fournisseurs dans les projets de développement de produits nouveaux. Chacun vient éclairer cette problématique via son prisme respectif. Le premier s’intéresse avant tout à la question des flux de savoirs entre entreprises, avec un niveau d’analyse stratégique. Le second se focalise sur le projet, avec un niveau d’analyse plus organisationnel. Tous deux soulignent combien la relation est importante pour la réussite de la coopération.

Pour autant, ce point reste à creuser et a été identifié comme tel.

Les recommandations des dernières revues de littérature, mais également d’articles-clefs moins récents, sont alors d’aborder cette question du management de la coopération verticale d’innovation en :

  • Prenant compte à la fois le management inter et intra-entreprise (Takeishi, 2001 ; Lakhani et al., 2013 ; Säfsten et al., 2014 ; Melander et Lakemond, 2015 ; West et Bogers, 2014),
  • Allant au-delà des frontières du projet pour s’intéresser aussi à la relation client-fournisseur (Midler et al., 1997 ; Wynstra et al., 2003 ; Calvi et Le Dain, 2013 ; Rosell et al., 2014 ; Vanhaverbeke et al., 2014),
  • Considérant la dynamique de la coopération (Segrestin,  2003 ; Maniak, 2009 ; Lakemond, 2014 ; Ylimäki, 2014).

Aussi, nous avons choisi de chercher à répondre à la question de recherche suivante :

  • Quelles sont les interactions et les dynamiques au sein d’une coopération client-fournisseur en innovation qui permettent d’expliquer la performance de la relation ?

Pour y répondre, nous avons choisi d’opter pour plusieurs sources de données et approches méthodologiques. Nous nous sommes également reposé sur 3 approches théoriques complémentaires :

Approches théoriques mobilisées dans la thèse

D’abord, nous avons bâti un modèle conceptuel en confrontant littérature académique et entretiens avec des managers impliqués dans des coopérations d’innovation, à la fois des clients, des fournisseurs, des institutions et des clusters d’entreprises. Puis, en parallèle nous avons mené une démarche quantitative auprès d’entreprises fournisseurs et une démarche inspirée de l’ethnographie auprès d’une entreprise cliente.

La première démarche nous a amené à élaborer un modèle conceptuel pour répondre au besoin qu’il y avait de pouvoir appréhender la coopération verticale d’innovation en prenant compte à la fois les questions liées à l’innovation et à la relation client-fournisseur.

La seconde démarche nous a permis de tester statistiquement ce modèle en nous appuyant sur des échelles de mesure éprouvées. Elle repose sur une enquête par questionnaire auprès de 160 fournisseurs et sur des tests statistiques. Cette démarche a permis (1) de valider statistiquement notre modèle et (2) de pouvoir décrire le fonctionnement des coopérations client-fournisseur en innovation. Cela nous permet d’appréhender comment elles sont managées, en fonction de maturité de l’innovation et de l’atmosphère de la relation, et pour quelle performance.

La troisième démarche d’inspiration ethnographique a consisté à participer à une relation d’innovation pendant 20 mois en tant qu’Acheteur-Innovation et à observer le déroulé de cette relation de ce point de vue. Dans un second temps, il s’est agi de reprendre l’ensemble des données collectées sur le terrain, de narrer cette histoire de la relation puis de l’analyser à travers notre modèle conceptuel.

Les grands paradoxes de l’Open Innovation

Je viens de publier dans le Journal des Sociétés, revue à destination des juristes, un article écrit avec Olivier Duverdier, dirigeant d‘Ecosys Group et président Open Innovation du Medef : « les grands paradoxes de l’Open Innovation – gérer l’ouverture et le partage dans les projets d’innovation collaboratifs« .

Cet article se trouve au sein des deux numéros spéciaux coordonnés par Pierre Breesé, président de Fidal Innovation. Il commence par présenter aux juristes le concept d’Open Innovation. Il leur montre ensuite 2 grands défis pour lesquels ils ont à accompagner les autres fonctions de l’entreprise dans le montage, et le suivi, de projets d’innovation collaboratifs :

  • la gestion de la confidentialité,
  • la définition du modèle économique,
  • le partage des résultats.

Un des points intéressants de cet article, au-delà des explications et perspectives que nous proposons, repose sur leur illustration à partir d’exemples européens et contemporains. L’Open Innovation est née aux USA – elle est réelle également en Europe, et en France.

En complément, il est également très intéressant de découvrir les autres articles de ces deux numéros spéciaux qui mêlent points des vues managériaux et académiques, venant de tous les horizons professionnels de l’Open Innovation française. S’ils sont à destination premières des juristes, ils pourront se révéler aussi utiles à ceux qui s’intéressent au développement d’une innovation collaborative performante.

L’Open Innovation, une question d’affinités

A l’occasion d’une conférence donnée à SciencesPo sur l’Open Innovation et la Propriété Intellectuelle avec Pierre Breesé, Sylvain Allano et Séverine Dusollier, j’ai eu l’occasion de présenter en quoi le plus important, à mon sens, dans l’Open Innovation n’était pas tant la PI mais plutôt la complémentarité des bases de savoirs et le business model de la coopération – montrant ainsi l’apport de la conceptualisation académique à la pratique de l’innovation collaborative. 

Le plus important dans l’Open Innovation n’est pas la PI mais la complémentarité des acteurs

En effet, pour pouvoir assimiler l’innovation qui vient d’ailleurs, il est nécessaire pour une entreprise de pouvoir se comprendre avec celle qui lui apporte cette innovation (ces savoirs nouveaux) autant au niveau technique qu’au niveau des interactions interpersonnelles. Il faut que ce savoir externe puisse être intégré correctement à ses activités de Recherche & Développement, puis à ses activités de Production (de biens comme de services).

Cette notion d’affinités entre partenaires d’Open Innovation est théoriquement abordée à travers la notion des alignements technologique, stratégique et relationnel du fournisseur avec le client (Emden, Calantone et Droge, 2006 ; Handfield et al., 1999). L’alignement technologique correspond à la capacité de l’apporteur de savoir externe à répondre aux problématiques de celui qui va le recevoir, à la complémentarité de leurs connaissances des marchés et de leurs ressources techniques, et à la proximité de leurs bases de savoir telle que nous l’expliquons dans notre post sur la question de la fidélité dans l’Open Innovation

L’alignement stratégique correspond à la congruence de leurs motivations, objectifs et visions stratégiques. Il repose également sur la position relative de chaque entreprise vis-à-vis de l’autre, de leur rapport de force – cela se traduit dans les outils de gestion des portefeuilles de fournisseurs et/ou de partenaires d’innovation.

Enfin, l’alignement relationnel correspond à la compatibilité de leur culture et à leur propension à s’adapter aux processus et changements de l’autre. Il correspond également à la capacité du client d’être attractif pour le fournisseur, ce qui suppose notamment d’être capable d’instaurer une relation de confiance.

Cela implique qu’il y ait tout d’abord un degré d’affinité minimum entre les 2 organisations engagées ensemble dans un projet d’Open Innovation. Cette complémentarité, en premier lieu technique, s’étend ensuite aux cultures et aux modes de fonctionnement respectifs. Normalement cette compatibilité a été vérifiée lors de la phase de sélection de l’innovation externe et du porteur de cette innovation.

Et, lors des négociations, se pose la question de la compatibilité des modèles économiques des entreprises qui coopèrent. Cette dernière question est malheureusement trop souvent abordées à cette phase de la relation d’Open Innovation alors qu’elle augure de la suite de l’innovation : l’exploitation des résultats de l’Open Innovation en « business ».

Open Innovation : quelle source pour quelle question ?

Dans le numéro de juin 2014 de Research Policy, Felin et Zenger ont proposé un modèle permettant d’orienter sa recherche de savoir en fonction du type de problème à résoudre dans une démarche d’Open Innovation : selon la question que se pose une entreprise, quelle est la base de savoirs à mobiliser ?

Leur approche correspond tout d’abord bien à ce qu’est l’essence de l’Open Innovation : il ne s’agit pas de faire systématiquement appel à l’extérieur mais plutôt de considérer à la fois l’interne et l’externe pour innover.

Lors des toutes premières phases de la recherche d’idées nouvelles pour répondre à une problématique donnée, une entreprise doit considérer l’ensemble des bases de savoirs qui est à sa disposition : les savoirs de ses employés, ceux de son écosystème et ceux qui sont en-dehors de celui-ci. La détermination du mode d’accès à un nouveau savoir le plus pertinent peut alors se faire en déterminant le degré de complexité du problème posé et l’accessibilité qu’a l’entreprise au savoir nécessaire pour y répondre. Felin et Zenger proposent pour cela la matrice ci-dessus.

Pour des problèmes très complexes faisant appel à des bases de savoirs proches de l’entreprise, celle-ci a tout intérêt à mobiliser ses équipes à travers une démarche participative. Par contre, si le savoir nécessaire n’est pas connu du tout, l’appel aux communautés d’utilisateurs, aux lead-users sera alors plus efficace. Dans le cadre d’un problème plus ciblé (ou plus articulé) avec toujours un savoir éloigné de l’entreprise (par exemple, l’entreprise ne maîtrise pas les différentes technologies mobilisables pour une fonction spécifique), elle peut s’appuyer sur les plateformes d’innovation ouverte et sur des concours alors que l’acquisition de brevets ou l’appel à proposition auprès de fournisseurs ciblés sera plus efficace pour un savoir mieux connus.

Ce modèle suggère également que plus l’innovation visée est complexe plus il faut aller vers un mode de gouvernance riche multipliant les liens sociaux et proposant un contrat focalisé sur les « efforts or time and materials rather than outputs » et une gestion attentive de l’interface. Et inversement, quand l’innovation est moins complexe, le mode de gouvernance à privilégier est le contrat, le savoir étant disponible directement par le fournisseur « at mutually agreeable prices » ; le contrat encadre donc un « tightly specified problem solution, with payment contingent on delivery of (the) completed solution ».

Paru dans Le Monde : Incubateurs de start-ups dans les grands groupes : attention à l’effet de mode

Je viens de publierLeMonde dans Le Monde daté du 20 janvier 2014, une tribune signée avec Olivier Duverdier, Directeur général d’Ecosys Group, Président du Comité « Open Innovation » du Medef. Je la reproduis ci-dessous le texte envoyé originellement au journal du soir :

Alors que le modèle de gestion par le contrôle à outrance trouve ses limites dans les grands groupes français, ceux-ci explorent désormais de nouveaux outils de coopération, en interne et avec leurs écosystèmes. Parmi ces outils, les incubateurs internes de start-ups sont de ceux qui sont aujourd’hui les plus à la mode (NB.: demain ce seront les fablabs). Surfant sur la vague de l’Open Innovation, l’incubation de start-up devient une figure imposée des grands groupes dits innovants. Il est à parier qu’il n’y aura bientôt plus un seul rapport annuel qui ne mentionne leur existence.

Si les grands groupes s’intéressent aux start-up, c’est pour trouver de nouvelles sources d’innovation. Ils veulent y puiser l’agilité et la souplesse de la jeunesse qu’ils n’ont plus ; tout particulièrement en France où l’âge moyen des entreprises du CAC 40 est supérieur à quatre-vingts ans (en prenant en compte la date de naissance des groupes actuels, GDF Suez ayant ainsi 6 ans). Les start-up, pleines d’idées, vont chercher auprès des grands groupes le pétrole qu’elles n’ont pas encore et surtout leur première référence, celle qui leur donnera accès à leurs futurs marchés. La complémentarité des start-ups et des grands groupes n’est plus à démontrer. Elle est un vecteur de compétitivité lorsque la coopération est là.

Les incubateurs de start-ups ont pour fonction de leur faciliter la vie dans leurs premiers mois d’existence. Ce sont des structures publiques ou privés qui mettent à la disposition de start-ups sélectionnées des moyens qui leur permettent de se focaliser sur leur développement encore fragile et sur la découverte de leur modèle économique. Ces moyens sont tout d’abord des locaux, des accès internet, des formations… Ils peuvent aussi se compléter par un accompagnement des créateurs dans leurs réflexions mais aussi dans leur Recherche et Développement et dans leur démarche commerciale…

Pourtant, d’après l’observatoire des pratiques de l’Open Innovation publié fin novembre par le MEDEF, si ces pratiques se font d’abord avec des start-ups, pour plus de 50% elles le sont à des fins de veille ou de génération d’idées. Ces objectifs sont considérés comme plus importants que ceux relatifs au développement de nouvelles affaires. Aussi, en extrapolant ces résultats au cas des incubateurs, on peut craindre que les incubateurs de start-ups dans les grands groupes ne soient que des pots de miels servant à attirer les présentations des dernières nouveautés ; la procédure de sélection permet de gagner un accès « illimité » aux bonnes idées des start-ups et de pouvoir repérer sans filtre les grandes tendances dans son secteur au sens élargi.

Le blogger Olivier Ezratty a souligné dans une série d’articles sur l’Open Innovation combien ces incubateurs pouvaient néanmoins contribuer au développement des start-ups quand ils faisaient intervenir des mentors issus du monde des start-ups et des mentors issus du grand groupe d’accueil. C’est une pratique encore rare. Trop souvent l’implication des personnels du grand groupe se cantonne aux comités de sélection. Elle est cependant le meilleur moyen de réduire les différences culturelles entre start-ups et grands groupes, condition nécessaire pour créer un écosystème d’affaires, et non de veille.

Les incubateurs sont l’opportunité de développer les rencontres entre les dirigeants et les opérationnels des grands groupes et des start-ups, en situation de travail et non de représentation. Ils peuvent contribuer au nécessaire changement de culture des grands groupes par la pratique. Cette pratique quotidienne doit permettre à chacun de comprendre les enjeux et les objectifs de chacun, de développer un climat de confiance et des relations d’affaires. Le développement de la coopération ne peut pas venir d’injonctions à coopérer mais de son usage. Les incubateurs en grand groupe peuvent devenir ces lieux… si et seulement si les dirigeants le veulent et qu’ils y impliquent leurs équipes.
Pour aller plus loin sur le sujet (même s’il s’agit alors moins de start-up mais plutôt d’innovation de rupture), je recommande également la lecture du post de Philippe Méda : « 10 raisons pour lesquelles votre incubateur interne v échouer en moins de 2 ans« .

Fondations, démarches et grandes pratiques de l’Open Innovation

Je viens de publier à l’Institut de l’Open Innovation un rapport destiné à présenter aux managers les fondations académiques de l’Open Innovation ainsi que les démarches et grandes pratiques étudiées par les chercheurs en management stratégique.
Vous pouvez le trouver sur le site de l’Institut de l’Open Innovation.

Ce rapport s’appuie sur une revue de travaux récents portant sur l’Open Innovation (articles scientifiques, livres publiés et articles de conférences jusqu’au printemps 2014). Il commence par présenter les trois grands piliers de la littérature académique sur le sujet et ce qu’ils apportent de nouveau. Ces piliers sont le livre fondateur d’Henri Chesbrough et sa représentation de ce qu’est l’Open Innovation, la notion de capacité d’absorption d’une entreprise et la notion de lead-user.

Puis, sont présentés les résultats de l’étude des entreprises qui se sont engagées dans des démarches d’ouverture de leur innovation et la majeure difficulté rencontrée par celles-ci : la barrière culturelle à franchir. Enfin, ce rapport balaie les grandes familles de pratiques rencontrées dans l’Open Innovation en action : la recherche de savoirs externes, leur intégration en interne puis leur commercialisation.

Collaborations start-ups – grands groupes : convergence d’intérêts et divergence de points de vue, quelles solutions pour réussir ?

Start-ups et grands groupes ont chacun besoin l’un de l’autre. De manière caricaturale,

« quand la start-up a des idées, le grand groupe a du pétrole ! »


Pour le grand groupe, aller vers les start-ups, c’est aller chercher des idées nouvelles, celles qui feront le business de demain. C’est aussi aller chercher l’agilité et la souplesse qu’il n’a plus.
De son côté, la start-up manque bien souvent de ressources financières et des références qui en feront une entreprise considérée comme fiable. En s’adossant à un grand groupe, la start-up va tout d’abord recueillir une première référence, ensuite, elle va pouvoir profiter d’une rentrée financière qui va lui permettre de financer son démarrage, voire parfois d’assurer un début de pérennité financière.
Une convergence d’intérêts donc, mais des points de vue divergents liés : à une vision différente de la maturité d’une innovation, de la gestion de la confidentialité ou de la propriété intellectuelle, à une méconnaissance des contraintes et des organisations respectives, à une différence de culture, à une perception différente de la valeur du temps…

A l’occasion d’une conférence-débat organisée par Montpellier Prospectives, j’ai eu l’occasion d’échanger sur la situation et les solutions aux difficultés à nouer des collaborations entre start-up et grands groupes, puis à les gérer.

[slideshare id=40760147&doc=confmontpellervf-141027052151-conversion-gate01]

Voici la présentation qui a servi de support à mon intervention pour ouvrir le débat avec :

  • Frédéric SALLES, Président de Matooma
  • Giovanni UNGARO, Directeur assistance à l’autonomie du groupe Legrand
  • Hervé TURCHI, Président d’Alci
  • Pierre AMOUROUX, Coordinateur des programmes scientifiques, Groupe Limagrain
  • Stéphane BONNASSIES, Directeur du Centre Technologique de Montpellier Schlumberger

et la salle, sous l’animation de François JEANNE, journaliste et animateur de L’Atelier.