Petite histoire des Achats au pays de l’innovation

La fonction Achats est née de l’innovation. Le premier livre qui lui a été consacré, en 1887, portait sur son importance pour le développement du chemin de fer : the handling of railway supplies. Mais, la fonction Achats est longtemps restée confinée aux tâches administratives. Sous le chapeau du titre « Approvisionnement », son rôle se bornait à jouer sur les prix, sans chercher à contribuer au développement de valeur nouvelle malgré sa théorique connaissance des marchés fournisseurs.

L’implication de la fonction Achats dans les projets d’innovation de son organisation, au-delà de la dimension « prix », a commencé à être signalée dans les années 1980, dans le secteur automobile. Elle est régulièrement confirmée tout au long des deux décennies qui suivent alors que se multiplient les études soulignant le lien entre performance des projets d’innovation et qualité d’implication des fournisseurs.

C’est dans ces décennies que le recentrage sur le cœur de métier des grandes entreprises et la libéralisation des marchés conduisent à un accroissement du transfert d’activités des grandes entreprises vers leurs fournisseurs. En 1991, Barreyre notait qu’en moyenne 55% du coût de revient d’un produit provenait de partenaires externes. En 2006, une enquête du SESSI/CDAF mesurait que celle-ci était de 75% dans les secteurs de l’automobile, de l’aéronautique, des télécommunications et de l’informatique, et de l’électronique.

Dans ces contextes très technologiques, ou la diversité et la complexité des produits font partie intégrante du jeu concurrentiel, les acheteurs deviennent des acteurs clés du développement de nouveaux produits. Progressivement apparaît une catégorie nouvelle d’acheteur dédié au projet de développement de nouveaux produits qui apporte sa maîtrise du couple coût /qualité ainsi que celui du délai de mise sur le marché.

Les années 1990 et l’acheteur-projet dans le développement de nouveaux produits

Christophe Midler dans sa description et son analyse du projet de développement de la Renault Twingo, produit innovant mais surtout démarche innovante de conception de la part de Renault, a ainsi mis en avant les nouvelles modalités d’implication des fournisseurs mises en place pour ce projet (p. 161‑182). Alors qu’en interne, il n’y avait pas de solutions envisageables pour répondre à l’équation économique ciblée, il a fallu s’appuyer sur les fournisseurs dans une démarche de design-to-cost. Cette démarche qui a permis de sortir le projet de l’ornière devait s’appuyer sur « des qualités de dialogues, d’adaptation et de réactivité ». Il s’agissait non pas de négocier avec les fournisseurs un prix sur la base d’un cahier des charges cibles, mais de négocier un cahier des charges sur la base d’un prix cible. Pour répondre aux multiples défis que cela pose, Midler évoque et documente la « révolution de la fonction achats » (p180). De « spécialiste de la négociation du contrat économique », l’acheteur a dû se faire régulateur et animateur d’un ordre économique nouveau où il doit renégocier dans un processus plein d’incertitude et d’évolution ».

Il souligne ainsi que l’acheteur dans ce type de projet est amené à développer des outils et méthodes nouvelles pour pouvoir non seulement évaluer l’aptitude de fabrication des potentiels fournisseurs mais aussi leurs aptitudes de conception. Ils doivent aussi apprendre à ajouter deux dimensions nouvelles lors des négociations : la propriété de l’innovation et le partage des risques. Il se trouve également à renforcer son rôle de pivot de la relation – et non plus de goulot d’étranglement – en allant chercher de manière proactive l’information, commerciale comme technique, et en la poussant ensuite aux multiples parties-prenantes.

Une étude pionnière en la matière est celle développée par Finn Wynstra dans  son travail de thèse où il étudie plusieurs cas d’implication des achats dans le développement de nouveaux produits et ce dans différents secteurs industriels, aux Pays Bas et en Suède. Cette base lui permet de proposer la  première caractérisation de l’acheteur impliqué sur des projets de développement de nouveaux produits. Ses travaux seront un socle pour la littérature sur l’implication précoce des achats dans le développement de nouveaux produits (EPI pour early purchasing involvment) en parallèle du développement de la littérature plus prolixe sur l’implication précoce des fournisseurs (ESI pour early supplier involvement).

En 2000, Calvi prophétise l’arrivée d’une nouvelle catégorie d’acheteur spécifiquement dédiée aux projets les plus exploratoires. Mais ses premières apparitions ne sont documentées qu’au mitan des années 2000. D’une part au sein d’un équipementier automobile français. D’autre part, à travers nos propres travaux car nous avons eu l’opportunité de travailler au sein d’un autre équipementier automobile français qui avait développé un dispositif similaire.

L’explosion de l’open innovation et l’émergence de l’acheteur-innovation

Au début des années 2010, avec le large développement de l’Open Innovation dans les grands groupes internationaux, la pratique s’est développée, en France comme en Europe, gagnant d’autres secteurs comme celui de l’industrie, de l’aéronautique ou  de la pharmacie. Au début des années 2020, un quart des grandes entreprises françaises ont au moins une personne dédiée à l’innovation dans les Directions des Achats. A travers sa position croissante dans l’innovation, la fonction Achats gagne petit à petit des lettres de noblesse dans la participation au développement de son organisation.


Le value-based procurement – une approche pour des Achats orientés valeur

La tension croissante dans le domaine des achats a conduit à une réflexion approfondie sur la valeur réelle des produits et services achetée, et au développement de nouvelles méthodes. Le Value-Based Procurement (VBP) en est un fruit. Approche nouvelle pour des achats axée sur la valeur plutôt que sur les coûts, elle trouve ses racines dans le passé. Née de la nécessité de surmonter les défis d’approvisionnement pendant la Seconde Guerre mondiale, elle se trouve particulièrement adaptée pour les défis que rencontrent les Achats aujourd’hui.

L’approche par la valeur, une technique des Trente Glorieuses

L’analyse de la valeur, qui est au cœur du Value-Based Procurement, trouve ses origines chez General Electric pendant la Seconde Guerre mondiale. Lorsque des pénuries d’approvisionnement ont affecté la production de turbines, l’entreprise a dû repenser sa façon de faire tourner ses installations. C’est ainsi que l’ingénieur Lawrence Miles a développé une approche novatrice axée sur la valeur des produits et services : le value engineering.

Le value engineering a permis pendant toutes les trentes glorieuses de générer de nombreux gains pour les achats. Mais à partir des années 70, avec la libéralisation et l’internationalisation de l’économie, la réduction des coûts est devenue une priorité majeure pour de nombreuses entreprises et elle a été facilitée par cette internationalisation. Il « suffisait » d’aller chercher un peu plus loin des fournittures moins cher à l’achat pour remplir ses objectifs. Cependant, cette quête incessante d’économies a souvent conduit à négliger la réflexion sur la valeur des produits et services. Les acheteurs se sont concentrés sur la réduction des coûts; c’est ce qui leur était demandé; l’impact sur la valeur globale n’était que rarement prioritaire.

Un renouveau venu de l’achat public hospitalier

Cependant, ces dernières années, la situation tendue sur les marchés conduit les achats à se repenser. Certains secteurs sont plus en avance que d’autres et consacrent plus de ressources sur leur manière de répondre aux nouveaux défis. C’est le cas du secteur hospitalier public, avec le soutien (financier) des pouvoirs publics. C’est ainsi que le value-based procurement a été développé, avec le soutien financier de la Commission européenne.

Le value-based procurement est une approche qui vise à optimiser le rapport entre les bénéfices potentiels et les coûts à supporter pour les obtenir. Il vient enrichir le processus de sourcing stratégique en insistant sur la prise en compte des parties prenantes et de leurs bénéfices potentiels. Cela implique d’identifier toutes les parties prenantes impliquées dans l’achat, telles que les médecins, les patients, les soignants, les experts-comptables, la société dans son ensemble, la sécurité sociale et même les fournisseurs. En prenant en compte ces différentes perspectives, il devient possible d’évaluer et d’optimiser ce rapport bénéfice/coût.

Une approche déployable pour tout type d’achat

La méthode du value-based procurement peut être employée, moyenant quelques adaptations, dans de très nombreux domaines d’achats pour tout type de sourcing. Par exemple, dans le cadre d’un sourcing de chariots élévateurs, elle a démontré de mutliples bénéfices… dont de substantielles réductions des coûts.

Dans ce cas, il s’agissait de renouveler un parc d’une centaine de chariots élévateurs, principalement en location longue durée (LDD), avec une maintenance assurée par un technicien sur site. Le VBP a conduit a proposer une approche alternative au renouvellement de l’achat tel qu’il était pratiqué, basée sur l’achat groupé de nouveaux chariots élévateurs plus ergonomiques et plus confortables. Le calcul du TCO (Total Cost of Ownership) a démontré que les coûts annuels et mensuels en coût complet associés à la location longue durée étaient 10 fois supérieurs aux coûts standards, qui ne prennent pas en compte des éléments tels que l’énergie (eau, électricité), les pièces détachées, les coûts des visites réglementaires, les assurances et les frais administratifs. En optant pour l’achat des chariots élévateurs, ces coûts étaient significativement réduits. En plus des avantages financiers, la méthode VBP a également mis en évidence d’autres avantages importants. Les chariots élévateurs plus ergonomiques ont conduit à une meilleure satisfaction des utilisateurs, une réduction des troubles musculo-squelettiques et une diminution des accidents. De plus, l’utilisation de nouveaux chariots a entraîné des économies d’énergie et une augmentation de la productivité globale.

Au bout d’un an, les résultats étaient encore plus éloquents. Il y a eu une baisse significative des maladies professionnelles, une réduction des risques de mouvements sociaux, une image de marque revalorisée et un niveau de motivation plus élevé au sein de l’entreprise. Ces bénéfices supplémentaires ont clairement démontré l’impact positif de l’approche VBP dans le domaine des chariots élévateurs. Des résultats similaires peuvent se retrouver dans des achats différents dans d’autres domaines d’activité, tel que, par exemple, l’achat d’abonnement de presse dans la banque.

Une opportunité pour toutes les directions Achats

En adoptant une approche axée sur la valeur plutôt que sur le coût initial, les entreprises peuvent réaliser des économies significatives, tout en améliorant la satisfaction des utilisateurs et en favorisant des conditions de travail plus sûres et plus productives.

Le Value Based Procurement représente un changement fondamental dans les pratiques d’achat car elle demande un travail bien plus chronophage dans les premières phases du sourcing – au moment de recueillir, enrichir et valider les besoins d’achat. En adoptant cette approche, les directions achats peuvent maximiser la création de valeur en prenant en compte non seulement les coûts, mais aussi les bénéfices potentiels pour l’ensemble des parties prenantes. Bien que le VBP ait été initialement développé dans le domaine de la santé publique, il montre également des résultats prometteurs dans d’autres secteurs. En repensant l’impact de leurs achats, les entreprises peuvent véritablement transformer leur approche et atteindre des niveaux de performance plus élevés.

Le value-based procurement offre ainsi de nouvelles perspectives pour les directions achats souhaitant relever les défis actuels de manière innovante et responsable.

Des délais de paiement respectés grâce à l’intelligence artificielle

Devant l’engouement pour Chatgpt, outil conversationnel en langage naturel entraîné par OpenAI, j’ai testé « sa » connaissance, puis « ses » solutions pour résoudre les difficultés de paiement à temps entre les grands groupes et les fournisseurs (principalement PME) en France. Les réponses sont bluffantes.

Pertinentes et pointues, les réponses générées automaituquement réflètent également les limites de l’intelligence artificielle en termes de créativité. Voici les résultats de mes échanges avec cette IA.

Quel est l’impact sur les PME des délais de paiement non respectés de la part des grands groupes ?

ChatPGT : Les retards de paiement peuvent avoir de graves conséquences pour les PME, en particulier si elles dépendent fortement des revenus générés par ces paiements pour leur fonctionnement quotidien. Les PME ont souvent moins de marge de manœuvre financière que les grandes entreprises et peuvent avoir du mal à gérer leur trésorerie et à payer leurs propres factures en temps voulu si elles ne reçoivent pas leur argent à temps.

Les retards de paiement peuvent également avoir un impact négatif sur la relation entre la PME et le grand groupe, entraînant une diminution de la confiance et de la collaboration. Enfin, ils peuvent entraîner des frais supplémentaires pour la PME, tels que des frais de gestion de trésorerie et des frais bancaires supplémentaires.

Il est important que les PME prennent des mesures pour protéger leur trésorerie et gérer efficacement les retards de paiement lorsqu’ils en sont victimes. Cela peut inclure la négociation de conditions de paiement claires avec les grands groupes, la mise en place de processus de suivi efficaces pour surveiller les paiements et, si nécessaire, l’obtention de financement supplémentaire pour couvrir les retards de paiement.

Pourquoi les grands groupes paient en retard les PME ?

ChatPGT : Il y a plusieurs raisons pour lesquelles les grands groupes peuvent payer en retard les PME avec lesquelles ils travaillent. Tout d’abord, ils peuvent être très occupés et avoir du mal à gérer leur trésorerie de manière efficace, ce qui peut entraîner des retards de paiement. Deuxièmement, ils peuvent avoir des problèmes de trésorerie temporaires et utiliser les paiements des PME comme une sorte de financement à court terme. Enfin, ils peuvent simplement ne pas avoir la culture de paiement rapide et mettre la priorité sur d’autres choses.

Il est important de noter que les retards de paiement peuvent avoir des conséquences graves pour les PME, qui peuvent avoir du mal à gérer leur trésorerie et à payer leurs propres factures en temps voulu. Si vous êtes une PME qui a des problèmes de paiement avec un grand groupe, il peut être utile de discuter de vos options avec un avocat ou un conseiller en gestion pour obtenir de l’aide.

Que devraient faire les grands groupes pour payer leurs fournisseurs à l’heure ?

ChatPGT : Il y a plusieurs choses que les grands groupes peuvent faire pour payer leurs fournisseurs à l’heure et éviter les retards de paiement :

  1. Établir des conditions de paiement claires et les faire respecter : il est important que les grands groupes établissent des conditions de paiement claires avec leurs fournisseurs et s’assurent de les respecter.
  2. Gérer efficacement leur trésorerie : les grands groupes doivent être attentifs à leur trésorerie et s’assurer qu’ils ont suffisamment de fonds disponibles pour effectuer les paiements à temps.
  3. Communiquer avec les fournisseurs : les grands groupes doivent être ouverts et transparents avec leurs fournisseurs et communiquer avec eux de manière proactive si des retards de paiement sont prévus.
  4. Se conformer aux lois et réglementations en matière de paiement : les grands groupes doivent se conformer aux lois et réglementations en matière de paiement en vigueur dans leur pays, qui peuvent inclure des délais de paiement maximaux et des intérêts sur les retards de paiement.
  5. Éviter les retards de paiement inutiles : les grands groupes doivent s’efforcer d’éviter les retards de paiement inutiles et de traiter les demandes de paiement de leurs fournisseurs de manière rapide et efficace.

Quelle est l’attitude des grands patrons au regard des délais de paiement ?

ChatPGT : Il est difficile de donner une réponse unique à cette question, car les attitudes des grands patrons envers les délais de paiement peuvent varier considérablement d’une personne à l’autre. Certains grands patrons peuvent être très conscients de l’importance de respecter les délais de paiement et mettre en place des processus pour s’assurer que les factures sont payées à temps. D’autres peuvent être moins conscients de l’impact des retards de paiement sur les fournisseurs et mettre la priorité sur d’autres aspects de leur entreprise.

Il est important de noter que les retards de paiement peuvent avoir des conséquences graves pour les PME, qui dépendent souvent fortement des revenus générés par ces paiements pour leur fonctionnement quotidien. Les grands patrons devraient donc être conscients de cet impact et s’efforcer de respecter les délais de paiement afin de soutenir la santé financière de leurs fournisseurs.

Que devraient faire les politiques pour limiter les retards de paiement entre clients et fournisseurs en France ?

ChatPGT : En France, il existe déjà plusieurs lois et réglementations en place visant à limiter les retards de paiement entre les clients et les fournisseurs. Voici quelques mesures que les pouvoirs publics pourraient prendre pour renforcer ces dispositifs :

  1. Renforcer les sanctions en cas de retards de paiement : il pourrait être utile de renforcer les sanctions en cas de retards de paiement afin de dissuader les entreprises de ne pas respecter les délais de paiement.
  2. Favoriser l’accès au crédit pour les PME : les pouvoirs publics pourraient mettre en place des programmes de financement pour aider les PME à accéder au crédit et à faire face aux retards de paiement.
  3. Encourager les entreprises à adopter des pratiques de paiement responsables : il pourrait être utile de promouvoir l’adoption de pratiques de paiement responsables par les entreprises, par exemple en mettant en place des programmes de certification ou en encourageant l’échange de bonnes pratiques entre les entreprises.
  4. Mettre en place des mécanismes de règlement des différends : il pourrait être utile de mettre en place des mécanismes de règlement des différends pour aider les entreprises à résoudre les conflits liés aux retards de paiement de manière rapide et efficace.
  5. Améliorer l’accès à l’information : il pourrait être utile de mettre en place des dispositifs pour améliorer l’accès à l’information sur les pratiques de paiement des entreprises, afin que les fournisseurs puissent prendre des décisions éclairées sur les entreprises avec lesquelles ils souhaitent travailler.

Echange réalisé le 03/01/2023 avec la version ChatGPT Dec 15 Version

0,175% est le rapport entre les amendes pour retard de paiement et les revenus tirés de ces retards

Ne pas payer ses fournisseurs rapporte 9 milliards d’euros par an aux grands groupes, mais leur coûte potentiellement beaucoup plus

Les priorités données à la réduction des coûts et à l’amélioration de la trésorerie, observables au sein de nombreuses entreprises depuis la crise découlant de la pandémie de Covid-19, ont amené la plupart des Directions Achats à revoir leurs contributions aux résultats des entreprises. Ces dernières, redéfinies tant en termes de finalités que de modalités, remettent en cause les évolutions observées ces dernières années en faveur de relations plus équilibrées, collaboratives et partenariales avec les fournisseurs. Si elles s’avèrent bien améliorer la situation financière des donneurs d’ordres – triste expression à la vie dure – à court-terme, le pari, au-delà de son caractère éthique discutable, a toutes les chances de se révéler perdant à long terme.

 Les défaillances d’entreprises repartent à la hausse

De 2005 à 2018, les délais de paiement ont connu une baisse constante en France comme en Europe. Quelques mois avant la pandémie de Covid-19, les entreprises françaises avaient commencé, sur ce point, à creuser un écart avec leurs homologues européennes. Les retards de paiement commençaient en effet à croître, jusqu’à littéralement exploser au moment du premier confinement. Un véritable bond des délais de paiement fût alors également observé dans toute l’Europe, avant un retour assez rapide à la normale. La France, elle, se caractérisait par une nouvelle normalité et voyait ses entreprises procéder à un bond en arrière d’une dizaine d’années, ramenant les délais de paiement moyens au niveau de ceux des années 2010.

C’est ce que nous révèle l’Observatoire des délais de paiement de la Banque de France dans sa dernière édition. Revenant en profondeur sur l’analyse des effets de la Covid-19, il vient également souligner des différences sectorielles marquées. Par exemple, dans l’hôtellerie ou la restauration, alors que les flux de clientèle se sont taris brusquement, les paiements des fournisseurs ont été massivement décalés en réponse aux difficultés de trésorerie rencontrées. Il souligne également des différences importantes entre grandes et petites entreprises. A l’été 2020, les PME de moins de 200 salariés décalaient leurs paiements de 14 jours, tandis que les PME et les ETI de moins de 1000 salariés les décalaient de 16 jours. Pour les plus grandes entreprises, au-delà de 1000 salariés, l’écart allait au-delà de 18 jours. L’écart se réduisait fin 2020. Mais celui-ci prenait souche dès 2019 quand les grands groupes retardaient en moyenne leurs paiements de 1,3 jours par rapport à l’année précédentes.

La loi LME de 2009, qui visait, entre autre, la réduction des délais et des retards de paiement, avait déjà commencé à voir ses principaux effets se réduire. La Covid-19, en confirmant la tendance, ont réduit à néant ces derniers. Les économistes de la Banque de France soulignent ainsi que l’augmentation des délais de paiement procède d’un comportement délibéré. Les entreprises aux « pratiques les moins vertueuses » ne consacrent clairement pas les mêmes efforts à faire payer leurs clients qu’à payer leurs propres fournisseurs, visant au passage à améliorer leur trésorerie au détriment de celles de leurs fournisseurs. Les délais clients sont, en temps normal, souvent corrélés aux délais fournisseurs, se faire payer par son client permettant de rémunérer son fournisseur. Pour les grandes entreprises, cette corrélation a ainsi été presque divisée par deux de 2019 à 2020. Ces chiffres témoignent du fait qu’il ne s’agit pas ici que d’une question de contexte.

Côte PME, des difficultés accentuées par les comportements des donneurs d’ordres

L’augmentation des délais de paiement a permis aux grandes entreprises de gagner 9 milliards d’euros de trésorerie en 2020…. Et en a coûté 14 aux PME.  Chez ces dernières, cela a notamment pour impact de limiter les embauches, les investissements, l’innovation et au final leur croissance. Cela renchérit les coûts de la dette et augmente les probabilités de licenciement la probabilité de défaillance des entreprises impactées augmente de 25%, voire 40 % quand les retards de paiement dépassent un mois. Devant de telles conséquences pour les PME, le législateur a bien imaginé un système de sanction. Les amendes administratives, récemment publiées par la DGCCRF, s’élèvent à un montant cumulé de 126 millions d’euros depuis 2014, soit une moyenne de 15,75 millions d’euros par an, représentant pour l’année 2020, 0,175% de 9 milliards d’euros économisés par les grands donneurs d’ordres. Si changement de pratiques il y a, en matière de paiement des fournisseurs, ce n’est pas la sanction qui en sera à l’origine, tant que cette dernière demeure à ce point dérisoire. Des raisons bien plus profondes plaident en faveur d’un retour à de meilleures relations et de meilleures pratiques.

Un calcul à la rationalité contestable

Pour les clients qui ne paient pas leurs fournisseurs, les indicateurs financiers, besoin en fond de roulement en tête témoignent d’une meilleure santé retrouvée. Mais c’est un calcul court-termiste qui ne prend pas en compte les impacts d’une base de fournisseurs en mauvaise santé et peu confiant dans leur client. A plus long terme en effet, la mauvaise santé des fournisseurs, accentuées par les retards de paiements auxquels ils sont confrontés, vont se révéler délétères pour tout l’écosystème économique : défaillances, perte de résilience de l’écosystème, réduction de la qualité des offres,…

Les crises successives sont venues rappeler le coût d’une mauvaise stratégie. Ainsi, l’enquête ADRA-Médiation des Entreprises de Juin 2020- a montré que 82% des entreprises ayant mis en place une politique achats responsables ont pu maintenir leurs activités pendant la crise car à une bonne relation fournisseurs, quand d’autres enquêtes montraient que les difficultés d’approvisionnement touchaient d’abord les secteurs d’activité les moins vertueux.

Utiliser son pouvoir avec vertu : la clé du problème

Tandis que de nombreuses analyses font de l’obtention, puis de l’utilisation (souvent abusive) du pouvoir l’essence de la stratégie d’entreprise (le modèle des forces concurrentielles développé par Mickael Porter dans les années 1980 en constitue sans doute l’exemple le plus connu), il semble nécessaire de rappeler à quel point la modération peut s’avérer vertueuse dans l’utilisation du pouvoir par un donneur d’ordres sur son ou ses fournisseur(s). Des travaux comme ceux de John Henke sur la qualité des relations avec les fournisseurs et leurs effets sur les performances économiques montrent à quel point il est économiquement pertinent et rationnel de renoncer à utiliser tout son pouvoir sur les fournisseurs (notamment en les payant plus tard). Viser de façon plus responsable, constructive et féconde des relations équilibrées qui seront sources de gains importants sur le plus long terme s’avère souvent un bien meilleur calcul, au-delà de la dimension bien plus éthique des pratiques déployées.

Cette tribune, co-écrite avec Hugues Poissonnier – également co-auteur de « Collaborer pour innover« , a été publiée – après modifications – dans lemonde.fr

Les crises successives d’approvisionnement, conséquence d’un manque d’intelligence économique dans les Directions Achats ?

Opérations pompiers, arrêts de chaînes de fabrication, suspensions de livraisons : les acheteurs sont mis à rude épreuve. A la crise de la Covid ont succédé celles des semi-conducteurs, de l’Ukraine, de l’énergie… S’assurer de la sécurisation des approvisionnements est ainsi depuis 2 ans entré sur le podium des 5 priorités des services Achats, suivant l’Observatoire des Achats et de l’Innovation Kedge Executive Education.

Pourtant, certaines de ces crises majeures étaient prévisibles longtemps à l’avance et la fonction Achats aurait pu contribuer à la résilience de son organisation autrement qu’en réaction : en anticipant!

Les manques d’anticipation se chiffrent en milliards

L’exemple le plus flagrant : la crise des semi-conducteurs, ou l’histoire d’un malentendu entre une industrie d’assemblage (l’automobile) et une industrie capitalistique (les semi-conducteurs). La première tourne avec des commandes fermes à 3 mois grand maximum. La seconde est une industrie capitalistique de 600 milliards de dollars, la moindre usine coûtant 15 milliards. Ne pas avoir eu cette lecture de la position stratégique de ces fournisseurs a coûté 210 milliards de pertes de chiffres d’affaires au secteur automobile mondial.

On pourra objecter que l’exemple est facile, rétrospectif et unique, voire spécifique à ce secteur particulier. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Bien avant la guerre en Ukraine, le marché de l’électricité en Europe, autre exemple flagrant, était lui aussi déjà en nette surchauffe. 

Pour répondre aux enjeux accélérés de la transition énergétique mais aussi de souveraineté industrielle, les industriels (et les politiques) sont en train de « découvrir » qu’ils auront beau investir dans des gigafactories, ils n’en resteront pas moins tributaires des approvisionnements en matières premières minérales.

Or, le temps d’exploration puis de mise en production nécessaires se compte en décennie. 

La très grande majorité de ces informations critiques sont pourtant disponibles librement et gratuitement à tous, pour autant qu’on aille les chercher et qu’on sache les décrypter correctement.

Sur ces sujets d’anticipation stratégique, la fonction Achats au sens large est structurellement sous-équipée, et c’est encore plus flagrant lorsqu’on la compare avec d’autres fonctions – notamment le Marketing.

Dans les priorités Achats, faire de la veille a toujours été en queue de peloton : toujours d’après l’Observatoire des Achats et de l’Innovation, collecter des renseignements sur les marchés et les technologies a été une priorité donnée à moins de 12% des services Achats en 2021. Et en 2022, le chiffre a baissé de 4 points.

Les crises n’y ont rien changé. Ces questions d’anticipation sont, au mieux, déléguées individuellement aux Commodity Managers. Il n’est donc pas anormal de trouver au final une fonction globalement en surréaction plutôt qu’en prévision. 

Des read team Achats pour renforcer la résilience des chaînes d’approvisionnement

Pour reprendre un exemple venu du domaine cyber, il paraît à tous évident que des « red teams » soient régulièrement mis en place pour tester la solidité des systèmes en faisant des scénarios d’intrusion.

Toujours sous ce vocable de « red team », le Ministère des Armées a rassemblé des prospectivistes et cherche ainsi à évaluer les menaces futures. Il s’agit ni plus ni moins que de redonner ses lettres de noblesse à la notion d’intelligence économique.

Force est de constater que c’est actuellement une portion congrue du rôle attribué aux acheteurs, alors que c’est précisément cette carence d’anticipation qui met régulièrement le système en ébullition.

Alors, à l’aune des démonstrations qu’ont amenées ces crises, pousser l’idée de « red teams achats», correctement organisées et outillées, nous semble une idée de moins en moins incongrue.

Ce point de vue a été publié dans la revue Profession Achats, et co-écrit avec Frédéric Thielen (Président d’AristaQ, et ex-Directeur Achats) et Xavier Lepage (IRENCO – Professeur associé à l’Ecole de Guerre Economique)

Quelle valeur pour le Partenariat d’Innovation ? une méthode pour l’achat public européen

Afin de maximiser l’engagement des fournisseurs innovants dans des projets d’innovation avec des acteurs publics, la Commission Européenne a créé en 2014 le Partenariat d’Innovation. Ceui-ci permet, dans la même procédure, d’acheter à la fois le développement d’un nouveau produit/services et son acquisition en cas de succès.

Toutefois la mise en place des Partenariats d’Innovation demande de relever de nombreux défis pour l’acheteur public. Cela commence par la détermination de la valeur du partenariat. Celle-ci doit être fixée et négociée alors que le produit/service visé n’existe pas encore. Il s’agit également de respecter l’ensemble des contraintes liées à l’achat public – dont celles relatives aux aides d’Etat.

A la demande de la DG Grow, j’ai développé une approche qui permet de répondre à ces défis. Elle est publiée par la Commission Européenne sur la page dédiée à l’Achat d’Innovation.

Une méthode en 2 phases

Cette méthode consiste à identifier les différents éléments qui font la valeur de l’innovation partenariale, pour le fournisseur comme pour l’acheteur public.

Puis, il s’agit de proposer des modalités d’évaluation spécifiques pour chacun des éléments identifiés. Dans les phases de Recherche et Développement, puis dans les phases d’Achats du service/produit fini. Les évaluation s’appuient sur le principe de la quasi-décomposabilité et sur la combinaison des méthodes de pricing mobilisées dans l’achat public : contrat de performance, indices de prix, coût total de possession, analyse de la valeur….

Sur cette base, il est possible de proposer aux acheteurs publics toutes les clefs pour créer un cocktail de solutions qui répondent aux différentes possibilités offertes par les partenariats innovation.

Cette méthode permet ainsi de maximiser la valeur pour le bien public. Elle permet aussi de minimiser les risques d’une telle procédure mais aussi de favoriser la croissance des entreprises européennes innovantes.

Elle peut être également mobilisée pour l’achat privé – en s’inspirant de la démarche qui consiste à d’abord identifier les sources de valeur, puis en allant piocher dans les différentes solutions possibles celles qui s’appliquent le mieux à la situation ciblée. Elle est déjà enseignée dans le cadre de la formation continue MAI – management des achats internationaux de Kedge Business School.


La DG GROW de la Commission Européenne a pour mission de continuer la réalisation du marché intérieur pour les biens et services ; favoriser l’entreprenariat et la croissance ; soutenir l’accès des compagnies européennes aux marchés globaux ; générer des politiques de protection et d’application des droits de propriété industrielle ; coordonner la position de l’Union européenne et les négociations au sein du système international de propriété intellectuelle.

Prix spécial du jury pour « Co-innovation dynamics » aux Plumes des Achats 2021

 « Co-innovation dynamics – The Management of Client–Supplier Interactions for Open Innovation » a été primé aux Plumes des Achats 2021.

Ce livre, publié en 2019 et disponible également en français, est tiré de la thèse de doctorat « Approche relationnelle de la coopération verticale d’innovation – facteurs de performance de la relation client-fournisseur en innovation ». Celle-ci avait reçu le prix de thèse en Achats et le prix de thèse en management de l’innovation du Réseau RRI qui a ouvert les portes de l’éditeur ISTE-Wiley.

Cet ouvrage parle des différentes dynamiques qu’il faut considérer quand on gère une relation client-fournisseur en innovation. Dynamique de l’innovation, mais aussi de l’atmosphère de la relation : de la confiance, de la familiarité et de l’équilibre des pouvoirs. Dynamique de la gouvernance : du contenu de la relation contractuelle mais aussi des modes de coordination et des fonctions impliquées – dont les Achats. Et enfin, dynamique de la performance de la relation.

Il s’appuie sur des réflexions théoriques, sur une étude quantitative mais aussi sur une étude ethnographique qui vient raconter 20 mois d’un projet d’innovation dans la peau d’un acheteur-innovation.

Les Plumes des Achats rassemblent chaque année praticiens et académiques autour de la découverte des derniers ouvrages en management des Achats, à l’initiative des associations ADRA, ACA, Club des Acheteurs de Prestations Intellectuelles et X-Achats.

Un manager des Achats Kaizen

Dans les achats, la méthode Kaizen est bien connue. C’est une approche d’origine japonaise de management de l’amélioration continue de la qualité. Si elle s’applique avant tout à des processus industriels où elle a fait et continue de faire ses preuves, ne pourrait-il pas aussi s’appliquer à la fonction Achats dans son ensemble ?

L’idéogramme 改善 (Kaizen) est composé des mots japonais « kai », soit « changement », et « zen », soit « bon, pour mieux ». Il signifie « amélioration » et désigne toutes les activités qui contribuent, sur le terrain, à améliorer les opérations et l’environnement de travail. Le kaizen est fondé sur la mobilisation et la participation des employés au développement et à la productivité de leur organisation.

John Bessant, grand professeur de management de l’innovation, le résume ainsi : « pour chaque paire de mains, vous obtenez un cerveau gratuit »[1]. De manière plus approfondie, le Kaizen se concentrent sur trois notions centrales :

  • C’est une pratique continue ; il y a toujours matière à s’améliorer
  • Elle est progressive ; en opposition à une approche brusque du changement
  • Elle est participative ; l’intelligence collective est à l’œuvre et elle génère du bien-être au travail

Appliquée en règle générale à des cols bleus, celle-ci peut également et devrait généralement s’appliquer au monde des acheteurs. C’est ce que nous avons pu identifier et souligner à travers un travail de mémoire du MAI récemment soutenu[2]. Ce travail s’appuyait sur une expérience d’un an dans le secteur pharmaceutique avec pour mission principale de réorganiser les achats de produits industriels consommables et sur un regard biculturel franco-chinois. Le mot Kaizen existe également en mandarin, avec exactement les mêmes caractères et la même signification.

Dans un environnement extrêmement normé qu’est celui de la pharmacie, et sans background en biologie ou en chimie, les marges de manœuvre d’un acheteur débutant paraissent a priori très faible. Dans une entreprise où les objectifs des achats se concentraient sur la gestion des approvisionnements et sur le respect des normes et de la qualité, la culture de la réactivité prend largement le pas sur la proactivité. Prendre part à l’amélioration continue des achats et des relations client-fournisseur se présente ainsi sous l’angle d’un grand potentiel d’amélioration.

Pour être force de proposition, il a fallu alors se mettre dans une démarche de questionnement : le cahier des charges fourni par nos prescripteurs ne devrait-il pas être challengé ? sommes-nous allés chercher plus loin que notre panel ? avons-nous assez discuté avec les fournisseurs ? les connaissons nous assez ?… Ces questionnements quotidiens sont la première étape de la démarche Kaizen de l’Acheteur. Ce sont eux qui conduisent à améliorer la performance des achats. Et leur effet se font plus encore ressentir dans les moments de crise, là où a priori il n’est pas temps de se poser des questions.

Ainsi, au mois de mai dernier, des fûts inox sont arrivés sur un site industriel, avec un retard plus que conséquents. Les clients finaux ne pouvaient pas être livrés depuis plusieurs semaines. Pour autant, les bons de livraisons comme les certificats de conformité n’étaient toujours pas délivrés par le fournisseur. La production ne pouvait donc pas utiliser les fûts pour emballer le produit et livrer les clients. Le rôle de l’Acheteur était alors de relancer ce fournisseur historique, comme cela s’est toujours fait dans de pareil cas.

L’Acheteur (en l’occurrence, une acheteuse) Kaizen est allé regarder l’historique du fournisseur et s’est aperçue que c’était systématiquement le « Sales Support » et non l’« Area Sales Manager » (le responsable commercial) qui était relancé. Cette erreur d’aiguillage entraînait un retard d’information supplémentaire. En questionnant le statut de ce fournisseur de consommables stratégiques pour l’entreprise pharmaceutique, il a été également identifié sa situation monopolistique et donc l’absence de remise en question de la relation depuis des années.

Après avoir discuté avec ses collègues, l’Acheteur Kaizen a directement contacté le responsable commercial du fournisseur pour lui expliquer la situation, et l’a invité à venir visiter le site. Positivement surpris celui-ci a accepté l’invitation, tout en transférant dans l’instant les documents manquants. Au sein du service Achats mais également à la Production et à la Logistique, la surprise était également de mise. Par la réactivité du fournisseur, mais aussi et surtout par le fait qu’il accepte de venir. Ils ne pensaient pas qu’il se déplacerait.

Le jour de la réunion, le fournisseur a été personnellement accueilli par les Achats au poste de garde. La glace a été immédiatement brisée. Le fournisseur était ensuite ravi de découvrir les installations de son client et la manière dont était utilisé son produit. Pourtant ancien dans son entreprise, c’était la première fois qu’il leur rendait visite. Et personne d’autre au sein de sa société n’avait eu l’opportunité de venir les rencontrer. Malgré leur position de monopole, la volonté de créer un partenariat était présente. Elle a commencé par se manifester par une réduction tarifaire et un engagement sur ses délais de livraison.

A travers cet exemple très concret, on peut voir comme en s’impliquant personnellement, et en impliquant personnellement le fournisseur, l’Acheteur Kaizen peut, même à des moments de crise, contribuer à améliorer le fonctionnement de son organisation – par petit pas, en se posant des questions et en cherchant des réponses de manière collective, avec l’interne et l’externe.

Et de manière plus générale, être un acheteur Kaizen, c’est analyser constamment la situation de son portefeuille, de ses marchés, de ses fournisseurs, c’est réfléchir, c’est questionner en permanence ses propres pratiques, celles de ses clients internes et de ses fournisseurs, c’est proposer de nouvelles manières de faire et expérimenter avec ses parties-prenantes. Etre Kaizen pour un acheteur, c’est finalement s’investir dans son travail quotidien, un peu plus loin que sa fiche de poste, afin d’améliorer son impact et les résultats de son organisation.


Un article co-écrit avec Grace (Xiaochao) Lagneau, responsable supply chain entreprise pharmaceutique, MAI formation continue promotion 2021 – et publié dans Décision Achats


[1] Bessant, J. (2000), “Creating and maintaining high involvement innovation”, Seminar on kaizen from Understanding to Action, 30 March, Institute of Electrical Engineers, London.

[2] Lagneau, G. (2021), « Optimiser les processus Achats « consommables » dans l’industrie pharmaceutique », mémoire du MAI Formation Continue, soutenu le 8 novembre 2021

« Collaborer pour innover » reçoit le Prix de l’ouvrage Achat francophone 2020

Dans le cadre de la cérémonie de la « Plume des achats », la remise des prix littéraires dédiés à la fonction achats, le Prix de l’ouvrage Achat francophone 2020 a été attribué au livre « Collaborer pour innover – Le management stratégique des ressources externes »

Les Plumes des Achats récompense les meilleurs ouvrages de l’année dans le domaine des achats et de la Supply Chain. Il s’agit d’un rassemblement de quatre associations (ACA, ADRA, Club des Acheteurs IT & X-Achats) d’acheteurs et de Directeurs Achats autour d’un événement décernant des prix aux meilleurs ouvrages littéraires sur la fonction Achats. Le jury est composé d’un comité de lecture de 30 personnes alliant professionnels, enseignants et chercheurs. Il concerne des ouvrages francophones, anglophones et des mémoires.

« En nous appuyant sur les dernières analyses et bonnes pratiques observées sur le terrain et nos travaux de recherche sur l’Open Innovation et sur les Achats (dont un certain nombre de travaux du CRG-I3 et du CGS-I3), nous mettons en évidences les compétences individuelles, organisationnelles et inter-organisationnelles, ainsi que les principaux outils, qui permettent de mieux collaborer pour innover.

Les meilleurs pages viennent étayer le contenu de mes enseignements tant en formation initiale qu’en formation continue à KEDGE Business School et au MAI, mais aussi mes appuis aux managers Achats-Innovation et Open Innovation avec qui je collabore… pour innover! »

Former les acheteurs aux compétences de demain… et d’aujourd’hui

Pensée analytique et innovation, capacité d’apprentissage, résolution de problèmes complexes forment les top 3 des compétences les plus demandées pour 2025 d’après le Forum Economique Mondial (Future of Jobs Survey 2020), la première et la troisième étaient déjà dans les plus demandées en 2018 (Future of Jobs Survey 2018).

Elles font parties du portefeuille de compétences que nous développons en formation continue auprès de nos apprenants du MAI Executive Education. Elles résument bien ce qui est attendu de la fonction Achats pour faire face à un monde volatile, incertain, complexe et ambigu : savoir répondre aux besoins d’aujourd’hui et accompagner ceux de demain dans la gestion des ressources externes. La compétence apprendre à apprendre est intrinsèquement dans leur démarche : en formation continue, la première épreuve est de savoir se remettre en posture d’apprendre.

Pour les deux autres compétences-clefs, la problématique dans les apprentissages et l’accompagnement de nos apprenants est de savoir bien doser l’équilibre entre leur apprendre à savoir répondre aux besoins d’aujourd’hui – ce qui fera qu’ils trouveront un métier ; et les managers Achats qui sortent de nos formations ont un remarquable taux d’emploi de 99% 6 mois après la formation – et savoir accompagner les transformations dans leurs organisations et dans leur profession. C’est la seule condition pour être performant dès leur prise de poste et pour les années qui suivent, comme managers des achats, directeurs des achats ou même pour créer le poste de gestionnaire des ressources externes. Aussi, à travers nos formations nous mobilisons deux pédagogies différenciées et pourtant intimement mêlées : une pédagogie classique répondant aux enjeux économiques du moment, et une pédagogie innovante pour adresser les enjeux de demain.

Des managers Achats performants

Classiquement nous travaillons sur les fondamentaux du manager des Achats. A travers des apports théoriques, de multiples études de cas, des simulations sur des cas formatés et des échanges autour des expériences des enseignants et des apprenants qui sont tous en activité pendant la formation. Chaque compétence du manager Achat est abordée successivement, depuis la capacité à savoir embrasser la « Big Picture » jusqu’à la décomposition des coûts, en passant par la gestion des contrats avec les fournisseurs.

La multiplication des exercices permet ici de générer des automatismes mais aussi de leur donner un langage d’acheteur. Ils peuvent ainsi non seulement gagner en performance dans leurs organisations face aux problèmes du quotidien, mais aussi libérer du temps pour faire face à l’imprévu.

Des managers Achats transformants

Et pour faire face à cet imprévu, nous leur proposons d’autres dispositifs. Agir face à l’incertain, au complexe, au volatile et à l’ambiguë s’apprend par l’action, collectivement comme individuellement. Il s’agit ici de mettre nos apprenants face à des problèmes qu’ils n’ont jamais rencontrés. D’abord sur une composante temps – en travaillant sur un exercice nouveau et balisé, mais à gérer dans l’urgence. Puis, ils sont appelés à se projeter dans un futur qui n’existe pas et pour lequel il n’existe pas de solutions, mais qui s’appuient sur des ressources existantes, internes comme externes. Tout en navigant dans le flou, ils identifient les limites des outils vus ailleurs. Ils y apprennent à fabriquer leurs propres outils, leurs propres bases de réflexion, et d’action.

Toute innovation ou transformation ne se faisant jamais seul, toutes ses approches se font en équipe et en lien avec des professionnels externes et les professeurs et intervenants du MAI. La socialisation est au cœur de la formation. La cohésion développée dans chaque promotion se prolonge dans les liens avec les alumnis. Savoir faire appel aux autres et savoir leur répondre présent est une autre source d’agilité apportée à travers le MAI, pendant la formation et après.

Des managers Achats ambidextres

Enfin, ces apprentissages multiples, à la fois cerveau droit et cerveau gauche, ne seraient rien sans la capacité de chacun de savoir distinguer ce qui relève du complexe ou du compliqué, du risque ou de l’incertain, de l’urgent ou du nécessaire. C’est ce qui permet de choisir le mode d’action adéquate. Aussi, une démarche réflexive permet d’identifier ses apprentissages, de les fixer et de faire le tri parmi ceux-ci, mais également de prendre conscience du plaisir qu’ils ont pris à apprendre pendant cette année au MAI.

Les Achats stratèges passent par l’innovation

Un échange avec Jean-Philippe Denis sur les nouveaux rôles des Achats dans les organisations, les nouveaux profils et leurs impacts sur la performance des organisations mais aussi des écosystèmes.

Une nouvelle facette de l’Open Innovation par les acheteurs. Des insights provenant de deux grands groupes et de leurs services Achats-Innovation. Ces éléments sont tirés d’une pratique de terrain de 7 ans mais aussi d’une prise de recul par la recherche.

Ils ont faits l’objet de 2 publications dans la Revue Française de Gestion :

L’achat-innovation, un acteur d’interface d’Open Innovation
Sihem Ben Mahmoud-Jouini, Romaric Servajean-Hilst, Agathe Gilain et Anne Dumas
Rev. Fr. Gest. 45, 282 (2019)

Communautés, paysages de pratique et identité professionnelle des managers hybrides — Le cas de l’acheteur-innovation
Sihem Ben Mahmoud-Jouini, Aurore Haas, Benjamin Lehiany et Romaric Servajean-Hilst
Rev. Fr. Gest. 46, 287 (2020)

Collaborer pour innover

Mon livre « Collaborer pour innover – le management stratégique des ressources externes » vient de paraître aux Edition De Boeck Supérieur.

C’est un manuel pratique de gestion de l’innovation collaborative. Il met en évidence les compétences individuelles, organisationnelles et inter-organisationnelles, ainsi que les principaux outils, qui permettent de mieux collaborer pour innover.

Avec mes co-auteurs, Hugues Poissonnier et Gustavo Pierangelini, nous y proposons des pistes et des solutions pour développer la capacité d’innovation des organisations – quelles que soient leurs tailles ou leurs secteurs – en apprenant à mieux collaborer avec ses partenaires.

En nous appuyant sur les dernières analyses et bonnes pratiques observées sur le terrain et nos travaux de recherche sur l’Open Innovation et sur les Achats, nous mettons en évidences les compétences individuelles, organisationnelles et inter-organisationnelles, ainsi que les principaux outils, qui permettent de mieux collaborer pour innover.

Nous abordons ainsi successivement, les modalités d’identification (le sourcing) de partenaires d’innovation, le management des relations de partenariat, les compétences et modalités d’organisation interne à chaque entreprise, les nouvelles compétences individuelles à développer et la conduite du changement à mener pour aller vers une innovation plus collaborative.

Le livre est disponible en librairie dans la vraie vie et en ligne – notamment ici  http://www.arbrealettres.com/9782807314849-collaborer-pour-innover-le-management-strategique-des-ressources-externes-romaric-servajean-hilst-hugues-poissonnier-gustavo-pierangelini/ ou  https://livre.fnac.com/a11559815/Romaric-Servajean-Hilst-Collaborer-pour-innover ou sur https://www.cultura.com/collaborer-pour-innover-9782807314849.html ou sur https://www.culture.leclerc/livre-u/savoirs-u/economie–entreprise-u/entreprise-u/management-u/collaborer-pour-innover–le-management-strategique-des-ressources-externes-9782807314849-pr  ou https://www.decitre.fr/livres/collaborer-pour-innover-9782807314849.html ou  https://lnkd.in/g-kQmYF 

 

Chasser la start-up – un travail d’équipe

Les start-ups sont dans les écosystèmes des grands groupes une source importante de renouvellement, à la fois par les nouvelles technologies et manières de faire qu’elles expérimentent et par l’inspiration qu’elles génèrent pour les entreprises plus anciennes et établies. Les événements, annuaires et réseaux sociaux qui permettent de les croiser se multiplient, et dans les organisations les fonctions qui s’en occupent également, à commencer par les directions générales.

Afin que les premières rencontrent ne se bornent pas à un coup de communication ou au plaisir d’échanger des idées nouvelles et rafraîchissantes, il importe pour celui qui s’apprête à rencontrer une start-up de conserver à l’esprit que cette rencontre peut répondre à un besoin existant en interne mais également peut permettre d’imaginer de nouvelles solutions pour des besoins latents comme des opportunités de différentiation non encore identifiées. Ensuite, comme en innovation où un projet sur cent aboutit à un résultat concrets, il faut rencontrer beaucoup de start-ups pour espérer voir naître un projet de collaboration – de 2 à 10% de ces rencontres aboutissent.

Les annuaires de start-ups comme les appels à projets ciblés (via du crowdsourcing ou bien des concours lancés dans des écosystèmes spécialisés) sont particulièrement utiles lorsque le besoin est relativement identifié : un cahier des charges fonctionnels existe. Un passage en revue des différentes start-ups pouvant répondre est alors adéquate. La difficulté repose alors d’une part sur l’identification des différentes sources à contacter, d’autre part sur le fait qu’il faille en contacter beaucoup plus que pour un appel d’offre classique où les fournisseurs ont des capacités mieux identifiables et vérifiables. Des intermédiaires d’innovation – plateformes internet comme individus introduits dans les différents écosystèmes innovants – peuvent à ce moment révélés efficients pour cette identification et ce premier tri. Leur rôle consistera alors à accompagner le demandeur dans la reformulation de ses besoins et la rédaction de son cahier des charges (ce qui est le signe qu’il connaît son métier).

Enfin, du fait de la capacité des start-ups à pitcher, donc du fait du potentiel de séduction de leur technologie/business model et donc des difficultés à évaluer leur capacité véritable, la recherche de start-ups est plus encore enrichissante lorsqu’elle implique des fonctions variées. En allant chasser ensemble la start-up, elles apprennent à connaître leurs besoins et état d’esprit respectifs tout en pouvant évaluer plus efficacement les start-ups croisées ; leur organisation y gagne en efficience immédiate pour leur innovation collaborative mais également en potentiel d’innovation via l’interne grâce à cet échange de vue inter-fonctions.

Partager le gâteau de l’Open Innovation


Dans un projet d’Open Innovation, au moment de définir les règles de partage du gâteau de l’innovation collaborative, le point d’achoppement le plus courant est celui de la propriété intellectuelle. Un grand nombre de potentielles collaborations ne démarre pas pour ne pas avoir su répondre à cette question de la propriété intellectuelle. Souvent d’ailleurs pour avoir été traitée sous un angle purement juridique.

La plupart des travaux de recherche en gestion comme les rapports de consultants s’intéressent à cette répartition mais ils s’arrêtent au partage de la propriété industrielle, des brevets et droits afférents. Aussi, ils sont rarement opérant au jour de négocier un contrat de co-innovation.

En abordant la question du partage du gâteau sous un angle « Achats », il est possible de trouver des solutions. L’angle « Achats » peut être résumé à une orientation vers la partie « business » de l’Open Innovation. Il permet d’opérer un glissement depuis une réflexion centrée sur l’innovation en soit vers une réflexion orienté vers la création puis le partage de la valeur générée en commun, plutôt qu’uniquement de la propriété intellectuelle. Les Achats permettent d’aller au-delà des bornes du projet d’innovation.

Il ne s’agit alors pas uniquement de partager les résultats obtenus ensemble mais aussi de rémunérer les efforts du fournisseur, de s’assurer sa coopération, voire le responsabiliser sur la mise en œuvre de l’innovation, tout en limitant les dépenses du client. Dans un premier temps, l’acheteur va regarder comment il s’assure de la bonne coopération du fournisseur : est-il en capacité de coopérer ? veut-il coopérer ? et si un autre client se présente, conserva-t-il ses efforts sur le projet collaboratif ?

Ces questions se posent pour l’ensemble des coopérations, mais elles sont plus encore importantes dans le cadre d’une relation grand groupe – start-up, alors que cette dernière peut à la fois avoir des ressources limitées, tout en pouvant devenir très attractives pour d’autres entreprises (parfois des concurrents). En fonction des réponses, les incitations à coopérer peuvent se faire sous diverses formes depuis la rémunération directe des efforts du fournisseur jusqu’à la promesse de gains futurs, généralement sous conditions.

Elles peuvent aussi consister à laisser au fournisseur la possibilité de vendre l’innovation à d’autres clients, après une période d’exclusivité s’ils sont concurrents. C’est alors à ce moment que se pose la question de la propriété intellectuelle – seulement à ce moment – et alors il est plus simple d’y répondre. Alors, il s’agit de considérer que la propriété intellectuelle ne s’arrête pas à un brevet, mais également à tout l’arsenal qui vient avec – les licences, les royalties… les territoires géographiques et sectoriels concernés, les frais de maintenance et de défense….