Passer à l’industrialisation de l’innovation TPE/PME-grand groupe – une solution ?

A l’issue d’un projet d’innovation réussi, la question se pose la question du passage à l’échelle :

comment faire en sorte de réussir la production du nouveau produit/service dans des volumes importants ?

Cette question est systématiquement posée lorsque le client est un grand groupe et que le fournisseur est de taille bien moindre.

De nombreux industriels demandent à leurs fournisseurs innovants de pouvoir y répondre. Dans le meilleur des cas, ils les accompagnent. Cela passe par les services Achats et/ou Qualité et/ou Supply Chain. Une solution assez courante, notamment dans le digital, est d’associer le fournisseur à une tierce partie, SSII, qui a déjà des ressources importantes pour réaliser le déploiement. Il y a alors un risque non négligeable d’étouffement du fournisseur initial.

Dans le cadre de biens manufacturés, l’Europe a financé en 2012-2015 le consortium i-ramp3 pour apporter une réponse à ce besoin. L’objectif de ce projet était de concevoir des systèmes de production intelligents, afin d’optimiser les phases de démarrage et de reconfiguration de lignes de production : permettre de supprimer les temps d’intégration.

La recherche d'efficience du ramp-up industriel

La solution proposée est de construire des infrastructures s’appuyant sur des Systèmes connectés en réseau (NetDev pour network-enabled device). Le principe des NetDevs :

« The NETDEVs (…) are aimed to be agent-based production devices equipped with standardized communication protocols and self-descriptive capabilities, which have the potential to form the building blocks of heterogeneous production networks and adapt themselves in continuously changing production configurations« .

L’intérêt est alors de s’appuyer sur du matériel d’équipement qui n’est pas nécessairement neuf – et qui par-là ne devient pas obsolète en cas de lancement de nouveaux produits.

netdev

i-ramp3 a permis de tester la solution sur la mise en place d’une cellule robotique. Il reste aujourd’hui à voir comment cette innovation se diffuse dans les entreprises… C’est en tout cas une première solution technique. Elle nécessite d’être complétée par une solution « managériale », notamment à travers la structuration du financement de ces solutions et de la collaboration entre le client et le fournisseur.

Il serait à cet égard intéressant de voir comment les NETDEVs peuvent aussi être déployés dans la chaîne d’approvisionnement.

Les grands paradoxes de l’Open Innovation

Je viens de publier dans le Journal des Sociétés, revue à destination des juristes, un article écrit avec Olivier Duverdier, dirigeant d‘Ecosys Group et président Open Innovation du Medef : « les grands paradoxes de l’Open Innovation – gérer l’ouverture et le partage dans les projets d’innovation collaboratifs« .

Cet article se trouve au sein des deux numéros spéciaux coordonnés par Pierre Breesé, président de Fidal Innovation. Il commence par présenter aux juristes le concept d’Open Innovation. Il leur montre ensuite 2 grands défis pour lesquels ils ont à accompagner les autres fonctions de l’entreprise dans le montage, et le suivi, de projets d’innovation collaboratifs :

  • la gestion de la confidentialité,
  • la définition du modèle économique,
  • le partage des résultats.

Un des points intéressants de cet article, au-delà des explications et perspectives que nous proposons, repose sur leur illustration à partir d’exemples européens et contemporains. L’Open Innovation est née aux USA – elle est réelle également en Europe, et en France.

En complément, il est également très intéressant de découvrir les autres articles de ces deux numéros spéciaux qui mêlent points des vues managériaux et académiques, venant de tous les horizons professionnels de l’Open Innovation française. S’ils sont à destination premières des juristes, ils pourront se révéler aussi utiles à ceux qui s’intéressent au développement d’une innovation collaborative performante.

– Le coût de l’infidélité, facteur de stabilité

Soit un grand groupe et une PME. La PME approvisionne le grand groupe en sous-système après avoir construit un élément clef (son coeur de métier) de ce sous-système, avoir réalisé l’assemblage puis l’avoir testé.Il y a 10 ans le grand groupe a accompagné la PME pour passer de constructeur de pièce à constructeur et assembleur de sous-système, devenant ainsi un de ses fournisseurs de rang 1, catégorie « stratégique » sur sa famille d’achat.

Depuis la relation est continue et fait même figure de meilleure pratique des relations PME-grand groupe.

Or, la relation est constamment remise en cause. Il n’y a pas d’engagement réciproque sur la durée. Le grand groupe, au su de la PME, réalise un double sourcing, de bien moindre importance mais actif. Tous les 12 à 18 mois, la relation est remise sur la balance et l’opportunité d’aller voir ailleurs est évaluée par le grand groupe.

Malgré cela, la PME se déclare « heureuse » de cette relation qui lui permet de stabiliser son chiffre d’affaires. Certes l’évaluation est assortie d’un plan de progrès suivi qui permet l’amélioration continue de ses processus et outils. Néanmoins, la décision finale de poursuivre la relation se fait sur des critères économiques.

Et, année après année, le grand groupe dit « oui » à la PME.

Cette continuité est le fruit d’une part de la capacité de la PME à répondre aux besoins de son client et d’autre part du système d’évaluation mis en place dans le grand groupe. 

En étudiant ce système d’évaluation, on s’aperçoit de la maturité  de l’approche de la direction des achats qui ne se contente pas d’estimer le coût total de son fournisseur et de son concurrent.  Parmi les critères économiques employés, figure également l’évaluation du « sunk  cost » de son fournisseur stratégique soit le calcul de ce que coûterait la perte de celui-ci.

                              créer des liens

Aussi plus la qualité de la relation est élevée, plus les liens sont fluides et étroits, entre la PME et le grand groupe, plus ce « sunk cost »est élevé donc plus le risque d’opportunisme du grand groupe s’éloigne.

L’évaluation du coût de l’infidélité se révèle un garant de la fidélité du grand groupe, si tant est que la PME le demeure aussi!

Pour autant, la relation long terme qu’elle implique amène-t-elle pour autant le développement de la confiance et de l’engagement entre les 2 entreprises ?