Coopérer, la solution au déficit de compétitivité des PME/ETI françaises (aussi). Mais, comment faire ?

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Dans son rapport de 2010 « Les entreprises de taille intermédiaire au cœur d’une nouvelle dynamique de croissance », le sénateur Bruno Retailleau (et avec lui Alain – Roland Kirsch, Marianne Faucheux et Yves Magne) soulignait que la France souffrait d’un manque de coopération entre les entreprises :

« La croissance est désormais une performance collective comme le montrent les exemples allemands et italiens. Leur force est notre faiblesse. Une PME ou une ETI isolée est une entreprise potentiellement en danger. »

Quelques années plus tard, ce constat est encore partagé…

Dans le « Manifeste pour faire gagner la France » édité par le MEDEF à l’occasion de son Université d’été 2014, tout un paragraphe y est consacré au « jeu collectif ». Parmi ses engagements immédiats, page 27, le MEDEF s’engage à « travailler avec les branches et les fédérations professionnelles pour favoriser les coopérations ». Il s’agit de « s’engager dans une révolution collaborative ». Les solutions proposées sont les suivantes (pages 36 et suivantes) :

  • Assouplir le marché/code du travail
  • Promouvoir et coordonner les dispositifs existants qui favorisent la coopération (pôles de compétitivité, salons…)
  • Améliorer les relations PME-grands groupes – notamment en intégrant l’accompagnement des fournisseurs par les achats dans une démarche RSE
  • Développer les économies d’échelle interentreprises en mutualisant leurs ressources – notamment dans le monde des start-ups
  • Sensibiliser à la propriété intellectuelle
  • Réformer le droit des sociétés (comme proposé ici)
  • Revoir le nombre d’instances représentatives des syndicats et du patronat

Pour réaliser ces solutions, le groupe de travail suggère que le MEDEF / France 2020, s’engage à élaborer immédiatement « un guide des bonnes pratiques Grands groupes/ETI/PME ».

Pour sauter cette étape et passer directement à l’action, je suggérerais de s’appuyer sur l’excellent guide « Réussir ensemble » proposé par le Club Innovation & Entreprise. Ce guide a été élaboré par Hervé Gonay à la suite de ses expériences de chasse en meute ; où comment quand on a une PME on réussit à construire des écosystèmes coopératifs. Le document « 8 modèles de groupement pour « Réussir Ensemble » explique très clairement en fonction des situations rencontrées quels sont les modèles conseillés.

Exemple de modèle de coopération

Et le document « La check-list du parfait « Chasser en meute » » porte le bon titre.

Extrait de la check-list

C’est un document à transmettre aussi bien aux managers d’entreprises fournisseurs que clients. Faire découvrir au plus grand nombre ce type d’initiative pourrait peut-être permettre de gagner du temps et des ressources, des rapports et des commissions…. des points de croissance ?

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Le secret de la réussite de l’innovation collaborative ?

Pour une entreprise se tourner vers l’innovation ouverte permet de réduire les coûts et les risques attachés à ses projets d’innovation en les partageant avec une (ou plusieurs) organisation indépendante. Aussi, l’innovation ouverte permettrait de contourner les effets de la crise en offrant la possibilité de conserver la même capacité d’innovation à budget réduit.

L’intérêt de l’innovation collaborative

Si une telle représentation des gains apportés par l’innovation collaborative est souvent utilisée pour montrer aux financiers l’intérêt de partager un projet de R&D, elle ne reflète pas toujours la réalité du projet. Ainsi, elle ne prend pas en compte les coûts supplémentaires liés :

  • à l’identification du futur coopérant,
  • aux moyens mis en œuvre pour le convaincre (et pour convaincre en interne),
  • à la négociation de l’accord,
  • aux efforts de coordination qui doivent être mis en œuvre spécifiquement pour gérer un tel type de projet, tant en interne qu’à l’interface entre les deux organisations…

L’innovation collaborativeIl est également nécessaire d’envisager que si les risques portant sur l’innovation sont partagés, ce partage implique la génération d’une nouvelle classe de risques liée à la relation. Et si l’on rapproche le taux d’échec dans une collaboration d’innovation lié à la relation avec celui des alliances entre entreprises, ce risque d’échec est compris dans une fourchette allant de 30% à 70% (Kale & Singh 2009). Aussi, le bilan du coût réel de l’innovation collaborative au regard du coût de l’innovation si elle avait été réalisée en interne aurait plutôt cette forme-là : Parmi les pistes de réduction des coûts figure l’optimisation des coûts de recherche du bon partenaire. Cette optimisation passe par la mise en place d’outils et de moyens spécifiques – ainsi qu’il est fait pour réaliser des recrutements de personnels qualifiés – en faisant souvent appel à des intermédiaires spécialisés et rares sur le marché.

La fidélisation des coopérateurs d’innovation est également une piste permettant de diminuer ces derniers coûts. Plus encore, à travers la répétition de projets réalisés avec une même organisation innovante, il est possible de diminuer les coûts et les risques liés à la relation entre 2 entreprises. En passant d’une innovation collaborative fondé sur un échange transactionnel à un échange relationnel (Dwyer et al. 1987), il est possible de dégager une rente relationnelle (Dyer & Singh 1998).

Du fait d’une meilleure connaissance l’un de l’autre, d’une confiance installée entres les organisations et d’une adaptation mutuelle, les négociations initiales sont accélérées, la coordination est plus aisée et les risques d’opportunisme diminués… Et lorsque la confiance entre les entreprises collaborant est suffisamment installée, il est courant de voir apparaître une certaine proactivité de leur part (Le Dain, Calvi et Cheriti, 2011), soit des engagements supplémentaires… pour un même coût !

L’innovation collaborative répétéeEt si le secret de la réussite de l’innovation collaborative, de la réponse à sa promesse initiale, était la fidélité ?

– Vendée Globe et coopération d’innovation : un même outil pour optimiser la performance ?

Le Vendée Globe est à la fois une aventure et une course sans escale et sans assistance. Si le bateau est mené en solitaire, il a été préparé par une équipe qui continue d’accompagner le skipper dans son périple autour du monde. Bien souvent, les coureurs au large sont comparés aux entrepreneurs et aux innovateurs par leur capacité à surmonter des obstacles, à rechercher en permanence la performance malgré une rude concurrence et des éléments parfois plus rudes encore, et à savoir gérer un écosystème très varié.

Outre cette culture de l’aventure, d’autres passerelles entre skippers et entrepreneurs-innovateurs sont envisageables. Et, certains outils de gestion de la performance des voiliers nous paraissent particulièrement intéressants à étudier. Ainsi, sur le Vendée Globe, certains marins ont embarqué avec eux le mode d’emploi de leur voilier. Et dans ce mode d’emploi se trouve parfois un tableau qui leur permet d’optimiser le choix de leurs voiles en fonction de la force et de la direction du vent par rapport à leur voilier.

Le tableau ci-dessous (simplifié) a été utilisé lors d’un précédent Vendée Globe et représente cet outil que le skipper et son équipe ont réalisé lors de leur préparation. Chaque couleur représente un type de voile d’avant. L’abscisse représente la vitesse du vent, depuis le calme plat jusqu’à la tempête ; et l’ordonnée l’angle que fait le bateau avec le vent, depuis le vent (quasi) de face – au prêt – jusqu’au vent arrière. En fonction des conditions qu’il rencontre, le skipper sait ainsi quelle serait la meilleure voile d’avant à mettre pour optimiser la vitesse de son bateau.

exemple d'outil d'aide au choix des voiles d'avant (très simplifié)

exemple d’outil d’aide au choix des voiles d’avant (très simplifié)

Dans une coopération d’innovation, il serait envisageable de développer un outil équivalent. Il faudrait se limiter, dans un premier temps, à deux dimensions pour exprimer les conditions de la relation : d’une part l’état de développement de la relation (les entreprises sont-elles en train de se découvrir, de développer leur relation ou sont-elles dans une phase de stabilisation ? – Lee & R. E. Johnsen 2012) et d’autre part la maturité de l’innovation (à quel stade de développement en est le projet d’innovation : en phase de design, de développement, de lancement ? – Le Dain et al. 2011).

Ensuite, il s’agit de définir quelles sont les configurations de gouvernance possibles pour gérer la relation : quels types de contrats, quelles modalités de partage de l’innovation, quels outils pour échanger informations et connaissances, comment piloter la coopération, par quels moyens développer les interactions entre les équipes… et d’identifier quel est le bon mix entre tous ces mécanismes de gouvernance qui convient le mieux à chacune des conditions, pour la meilleure performance pour chacune des entreprises coopérant.

La première étape permettant la construction de cet outil va être présentée lors de la prochaine conférence annuelle de l’association des chercheurs et enseignants en achats et supply chain (IPSERA). Il s’agira de présenter le cadre dans lequel il s’inscrit aux meilleurs chercheurs sur le sujet afin de l’amender, le corriger et l’enrichir ; avant de le tester pour identifier les configurations possibles et leur effet sur la performance de la relation.

Bien entendu, il faudra également voir quels sont les autres paramètres à prendre en compte ; le skipper prend aussi en compte l’état de la mer, sa position par rapport à ses concurrents et aux icebergs, mais également sa propre fatigue pour choisir sa meilleure voile… Cela reste un outil d’aide à la décision, la décision elle-même appartient toujours au skipper et à son bon sens marin !

Ce sera peut-être aussi l’occasion d’identifier ou de définir la « voile secrète », celle qui permet dans certaines configurations de surperformer par rapport aux autres… et de prendre le dessus.

– La conclusion du rapport Gallois est-elle dans le bon sens ? où se situe la confiance ?

« Jouer l’innovation et la qualité, l’esprit d’entreprise et la prise du risque, rompre les barrières et travailler ensemble, mettre en valeur les compétences et (re)donner le goût du progrès technique, ouvrir de nouveaux espaces de dialogue et stimuler l’intelligence collective. Il y a là tous les ingrédients pour mobiliser les forces vives du pays et, en particulier, la jeunesse.

C’est de là que viendra la confiance, l’optimisme et donc le succès.« 

 

Le jeu collectif proposé par le rapport Gallois nourrira-t-il la confiance ?

Les 10ème, 11ème et 12ème propositions vont dans ce sens : un « small business act » pour fixer les règles du jeu, une obligation pour les grands groupes d’associer leurs fournisseurs (pour obtenir des soutiens étatiques) et le développement de leurs échanges (IRT, pôles, comités de filières…) pour multiplier les occasions de jouer… et (r)apprendre à jouer collectif.

Mais, peut-être faudrait-il d’abord (r)établir la confiance.

Selon Morgan et Hunt, 2 chercheurs phares de l’étude des relations interentreprises, la confiance existe dans une relation quand un acteur peut se fier à la fiabilité et à l’intégrité de son partenaire. Aussi, elle s’appuie sur le partage d’un cadre de référence : les règles du jeu, et sur la capacité des entreprises à s’attendre à ce que l’autre s’y réfère : va-t-il jouer selon les règles ?

Pour un redressement compétitif, la confiance est un ingrédient avant d’être un résultat : pour « rompre les barrières et travailler ensemble », il est nécessaire de s’assurer que cela peut-être fait sans un risque trop élevé d’opportunisme de la part du partenaire. Or le manque de confiance dans les relations interentreprises est allé croissant avec la crise (cf  les différents baromètres du Pacte PME et de l’ObsAR). La perte de confiance entre entreprises c’est autant de compétitivité en moins.

Il faut prendre le problème à sa racine : (r)établir la confiance.

C’est en partie le rôle de la médiation inter-entreprises ; son travail devrait être amplifié (discours du ministre du redressement productif au MIDEST 2012) et il y aura d’autres pistes à creuser…

– Pourquoi les entreprises sont obligées de se faire confiance quand elles nouent des partenariats d’innovation

Premier post sur ce qui est à l’origine de mes travaux de recherche : la place de la confiance dans les partenariats d’innovation, avec une base de réflexion issue de l’ouvrage de Marc Frechet « Prévenir les conflits dans les partenariats d’innovation ».

Dans tout projet d’innovation, il y a une part d’incertitude, d’autant plus grande que le degré d’innovation visée est élevé. Cette incertitude touche à la fois les résultats et les moyens à mettre en œuvre pour les atteindre. Et, quand ces projets sont menés à plusieurs dans le cadre de partenariat d’innovation, si les risques sont partagés, l’incertitude se retrouve souvent augmentée.

Au grand dam des juristes, ces types de projet ne peuvent alors jamais faire l’objet de contrats complets : « le contrat incomplet est celui dans lequel les parties pourraient ajouter des clauses supplémentaires mais sont retenues de le faire, à cause des coûts supplémentaires ou de l’invérifiabilité » (Hart, 1986 d’après Frechet, 2004).

Quand bien même la loi oblige les co-innovants à un engagement mutuel au-delà des termes du contrat de partenariat (article 1134 du code civil : les conventions ( …) doivent être exécutées de bonne foi ; et article 1135 du code civil : les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature), cela ne suffit pas toujours à rassurer les uns et les autres quant à la bonne exécution de ces obligations.

Et lorsqu’entre deux partenaires les différences sont marquées (en termes de taille tout particulièrement) et qu’ils sont dépendants les uns des autres, il y a un risque accru de manquement à ces obligations. Ainsi, la situation de dépendance a tendance à provoquer des comportements agressifs et opportunistes de la part du partenaire en situation de faiblesse (Provan et Skinner, 1989 ; Kumar et van Dissel, 1996 ). A l’opposé, le partenaire le plus puissant (souvent financièrement) a tendance à abuser de sa position dominante quand il s’agit d’influer sur les décisions concernant le partenariat (Lusch et Brown, 1996 ; Sulej, Stewart et Keogh 2001 ; Rothaermel et Deed 2004 ).

Aussi, quand il n’est possible de contrôler ni par le contrat ni par la loi ce que va faire (ou ne pas faire) le partenaire d’innovation,  et quand sa différence – qui fait son attrait – tend à rendre instable le partenariat, seule reste la confiance qui est mise en ce partenaire. Cette confiance, déjà vitale pour toute relation d’affaires (Morgan et Hunt 1994), l’est encore plus lorsqu’il s’agit de réussir un partenariat d’innovation et qu’il concerne un grand groupe et une PME…